Chronique

You

Winds

Guillaume Magne (g), Linda Oláh (voc, elec, fx), Héloïse Divilly (dms, voc) + Sébastien Palis (cla, elec, fx)

Label / Distribution : Label Vibrant

Après un premier album remarqué en 2018 et une sélection par Jazz Migration pour l’année 2019, You nous présente un nouveau panorama, avec quelques petits changements de visage. Ils ne sont pas nouveaux : il y a désormais plusieurs mois que Linda Oláh a remplacé Isabel Sörling dans le trio, mais c’est la première fois qu’on en mesure autant l’influence. Si la musique de You doit toujours à la sensibilité et la poésie de la batteuse Héloïse Divilly et son tempérament d’îlienne exilée, la patte de la Suédoise est omniprésente sur Winds qui lui offre de magnifiques écrins. Prenons « Winter’s Night » et la petite mécanique électrique entêtante de Guillaume Magne qui permet à Oláh ces enluminures qu’elle seule parvient à rendre douces sans qu’elles soient sucrées ; on pense à Belle, mais avec cette construction organique et essentielle chère à Divilly. Une démarche que l’on retrouve plus loin dans « Let Me Loom You », où la voix transforme un blues caniculaire en une errance intime au milieu des grands espaces. La mer ne doit pas être loin.

Le talent d’Héloïse Divilly est de parvenir à illustrer toutes ces images sans jamais les appuyer. Son jeu est simple, direct, il illustre et colore davantage qu’il s’attache à la pulsation, même si dans « Mont Ventoux », elle partage avec Guillaume Magne une vraie complicité rock, pendant que l’éther de la chanteuse s’évapore comme une brume matinale. La doublette Divilly/Magne fonctionne immédiatement parce que ni l’un ni l’autre ne cherche la puissance. Ce sont davantage le liant et la souplesse qui les animent. On connaît tout le travail cinématographique du guitariste au sein du Sacre du Tympan (on retrouve d’ailleurs le claviériste de Papanosh et du Sacre, Sébastien Palis, sur deux titres), et c’est un rôle similaire qu’il endosse ici : « To Kamtchatka », avec ses montagnes électriques, est un appel épique à l’aventure que le guitariste dessine avec Héloïse Divilly à ses trousses. Un petit bijou inclassable, car résolument sans frontière.

Dans son précédent album, You interrogeait les ponts les moins usités entre différentes régions de la sono mondiale, cherchant des folklores imaginaires, ou au moins mystiques. Même si l’on retrouve ici les textes du poète paysan Vincent Divilly, arrivé en 1975 dans l’île de la Réunion, berceau de la batteuse, c’est davantage à une uchronie pop que nous convie You. Une musique qui se serait délibérément affranchie de toutes les modes éphémères et de toutes les étiquettes pour filer droit au cœur. C’est manifeste dans la joie qui explose dans la tournerie de « Towards the Lakelands », c’est évident dans « Tell Me No More About the Beat of the Night » : voici le sommet de l’album, et un morceau qui ne peut laisser l’auditeur totalement immobile. On mesure, comme dans d’autres instants de l’album, l’influence de groupes comme Portishead dans l’atmosphère générale, mais il y a dans ce morceau une chaleur qui monte crescendo dans la guitare soudain puissante, et submerge. Dans cette configuration, Linda Oláh est toujours à son avantage. Les vents qui portent Winds sont pleins de fraîcheur et de douceur.