Chronique

Jean-Marc Foltz/Bill Carrothers/Matt Turner

To The Moon

Jean-Marc Foltz (cl), Matt Turner (cello), Bill Carrothers (p)

Label / Distribution : Ayler Records/Orkhestra

Il est des rencontres fantasmées qui, quand elles surviennent, nous offrent un rêve éveillé. Tel est le cas avec l’invention de ce trio qui invente pour nos oreilles hallucinées une musique de chambre du XXIè siècle. Après une session d’enregistrement pour Bill Carrothers, les trois musiciens se sont retrouvés à l’initiative du clarinettiste pour improviser avec comme principe directeur une phrase magnifique de Jean-Marc Foltz : “Let’s find some music, somewhere… over the rainbow”. Tout un programme.

Dès les premières secondes de To The Moon, on est plongé dans un univers unique où les trois instruments évoluent tels des personnages dans un film de Chabrol, avec ce qu’il faut de mystère et de singularité pour subjuguer l’auditeur. Chaque morceau s’organise comme une petite scène, les rôles se distribuant à tour de rôle, et l’éclairage – cru – projeté tantôt sur le violoncelle, tantôt sur le piano, tantôt sur la clarinette, nous fait pénétrer l’intimité de l’instrument. To The Moon en sonde les tréfonds pour offrir une musique d’une beauté sans fard, intrigante, qui jaillit avec vigueur de l’imagination du trio. À l’instar des dessins d’Emmanuel Guibert qui illustrent la pochette, tout baigne ici dans une lumière blanche et froide qui transperce l’auditeur pour l’atteindre dans l’âme, la beauté et la complémentarité des timbres donnant naissance à de véritables perles.

Carrothers, maître sous-estimé du piano moderne - dont il maîtrise toutes les subtilités, de la beauté du son simple jusqu’au piano préparé, est magistral et d’une confondante justesse dans le propos. Quant à Matt Turner, mille liens évidents le rattachent à Carrothers, son compère de longue date, que ce soit pour de longues mélodies somnambules ou lors de zébrures sonores dans la nuit musicale. Dans ce dédale entièrement improvisé, la faculté de se retrouver et de créer ensemble tient du miracle. Les clarinettes de Foltz sonnent comme des partenaires naturelles du piano et du violoncelle, et si l’on ajoute à cela son talent pour allier musique contemporaine et improvisée, outre sa maîtrise technique au service de l’œuvre, on obtient toute la poésie d’« Old Pantomimes » ou toute la la beauté mélancolique de « To Colombine » qui, entre autres merveilles, font de cette ode à la lune un rêve musical.