Scènes

De Palerme à Nevers et retour, l’amour, toujours

Nevers : 32e jazz festival : deuxième


D’jazz Nevers, deuxième

Où l’on apprend la naissance de Rossella Negro, fille de Roberto, et où l’on se réjouit en musiques épanouies aux quatre coins du monde. Jour de fleurs et de vins de Sicile.

« Moi aussi » fit Rossella Negro à peine sortie du ventre de sa mère, à Palerme.
On ne dit pas « moi aussi », mais « me too » éructa son père, cependant que la maman souriait à ce premier trait d’esprit de la petite.
« Moi aussi je veux jouer du piano » insista la petite aux cheveux noirs et à la peau fine.
On lui présenta trois Steinway splendides, elle les effleura à peine, et finit par conclure : « finalement, je préfère la guitare ».
Manu Codjia apparut alors, sorte de roi mage de l’instrument : « voici la mienne, dit-il, c’est celle qui a servi le soir de ta naissance » pour la version nivernaise de « DaDaDa ».

DaDaDa par Christophe Charpenel

Et c’est ainsi que le monde entier, lecteurs de Citizen en premier, apprit que le concert du 14 novembre 2018 à 20h30 s’était déroulé sans encombre, après quelques réglages, sans le compositeur et pianiste, mais avec le guitariste comme suppléant de luxe.
Émile Parisien s’était occupé de tout le reste, c’est à dire (entre autres) d’assurer le spectacle et de soutenir l’écoute. Solos inspirés, rondes sur la scène à la recherche de l’anche perdue, et mise en orbite d’un Michele Rabbia d’autant plus en verve que les espaces s’ouvraient grands devant lui. Perfetto. E la Nave Va…

Les femmes dans le jazz, elles aussi donc, étaient à l’honneur cette année. Jean-Paul Ricard avait sorti ses plus belles intimités en pochette, pianistes, chanteuses et autres contrebassistes, et on avait disposé tous ces formats carrés dans le hall de la maison de la Culture. Une sorte de conférence était même prévue pour samedi, avec le concours de l’ami Ricard et de la jeune chercheuse Raphaëlle Tchamitchian.
Et pour fêter comme il se doit l’ouverture du théâtre enfin rénové, on avait même invité le quasi régional de l’étape Benjamin Flament, vibraphoniste donc percussionniste, avec son nouveau groupe « Farmers », composé des excellents et encore mal connus Olivier Kondouno au violoncelle (précis, chantant, dans le groove), d’Aloïs Benoît au trombone, euphonium, sifflets en tous genres (tour à tour lyrique et canaille), et de Sylvain Choinier à la guitare (déjanté, grincheux, inspiré). Musique splendide, venue d’un peu partout dans le monde à travers la plume du leader, convoquant tour à tour l’Afrique (australe et de l’Ouest), l’Amérique (du Nord, avec ses déportés, son blues et ses collectages), et même aussi la France profonde des campagnes et des fermiers, ou ce qui en reste dans nos mémoires.
Et ça chante comme au premier jour de Rossella.

Vers midi, nous avions eu droit à un autre voyage, semblable dans sa géographie et très différent dans sa manière, avec les « Legends of the Fall » de Jean-Marc Foltz (cl, b-cl) et Philippe Mouratoglou (g, chant), une circulation dans l’univers de Jim Harrison et de Robert Johnson. Un parcours dans la résonance, le souffle, et l’occasion de se rendre compte de l’équilibre auquel est parvenu le clarinettiste depuis quelques années.
Dans le débat qui a suivi, animé par Xavier Prévost, Jean-Marc Foltz a confié qu’en effet il n’aimait plus s’entendre crier, comme parfois il y a quelques années, d’où le privilège accordé aujourd’hui à un travail en dentelle autour de l’infime souffle et du « presque rien » de l’aveu.

Elle a été bien belle cette journée de musique, de (re)naissance et d’amour.
Mais sur ce signifiant, très en vogue aujourd’hui dans le jazz français, il faudra quand même revenir…