Scènes

Jean-Marc Padovani Septet à l’Ermitage

L’Ermitage accueillait le 16 mars 2009 le projet « Sketches » de Jean-Marc Padovani. Presqu’en création mondiale, puisqu’il s’agissait du deuxième concert de ce nouveau septet bariolé.


J.-M. Padovani © F. Journo

Le Studio de l’Ermitage accueillait le 16 mars 2009 le projet « Sketches » de Jean-Marc Padovani. Presqu’en création mondiale, puisqu’il s’agissait du deuxième concert de ce nouveau septet bariolé.

« Sketches », ce sont un peu les tableaux d’une exposition qui rassemblerait les principaux maîtres du saxophoniste, ses influences, ses divinités tutélaires. Un album où défileraient les portraits de chers disparus. Pas des clichés sépia, attention : des portraits vivants, vibrants même. Incarnés.

Ornette Coleman, Eric Dolphy, Oliver Nelson, John Coltrane évidemment. Le grand jazz américain des années 1960. Mouliné par « Pado » qui retrouve pour l’occasion, avec une section rythmique résolument sudiste jusque dans le jeu (Frédéric Monino à la basse, avec un son rond et généreux et des chorus presque « pastoriens », et François Laizeau le batteur, qui visse au sol un groove implacable), des élans jazz-rock qu’on lui entendait moins ces dernières années. Un jazz-rock particulier cependant, qui aurait intégré la déchirure free autant que les grooves afro-américains, et qui paie son tribut au New-Orleans autant qu’à Michael Brecker ou à Charles Mingus.

Il est comme ça, Jean Marc Padovani. Exubérance et chaleur sont ses marques de fabrique. Ses esquisses de musiciens aux personnalités fortes sont brossées par un septet d’identités remarquables. Pas des clones du leader, non : chacun apporte son discours personnel, ses urgences propres tout en adhérant au propos collectif.

Capable de plier sa guitare, sur « 17 West », d’Eric Dolphy, à de longues séquences écrites enchevêtrées avec la voix et les sax, David Chevallier peut aussi donner plus tard au banjo un chorus azimuté en finger-picking qui va lancer ses acolytes dans un délire free-folk réjouissant. Claudia Solal a indubitablement réussi à intégrer ses prouesses vocales (diphonie, suraigus, glouglous et yodels) à un langage musical cohérent loin de la recherche de « gimmicks » ; ses improvisations ont un caractère instrumental évident qui envoie par-dessus les moulins les poncifs « scat » du genre. Bruno Wilhelm poursuit une ascèse flamboyante à grands traits de saxophone convulsé, comme autant de flèches décochées au ciel. Par contraste, Paul Brousseau dont on connaît pourtant la singularité, paraissait ce soir-là presque en retrait avec ses nappes, ses ambiances et ses samples, ses sons de Rhodes plus torses que distordus qui provoquent, asticotent, cherchent la controverse.

Claudia Solal/D. Chevallier © F. Journo

L’écriture de Jean-Marc Padovani, sa façon de triturer les thèmes ? On chercherait en vain un « procédé Pado », et pourtant il y a cette « patte Pado », une cuisine bien à lui faite d’assemblages hardis, d’architectures complexes et éphémères, de mots (ceux de son alter ego du verbe, Enzo Cormann, avec une adaptation française du « Goodbye Pork Pie Hat » de Mingus), de rythmiques braques mais bien ancrées, de jeu sur les timbres et les registres (le sax alto poussé dans ses aigus et la voix, simultanément, descendue d’une octave), de coupures et de contrastes violents, sol y sombra. Une cuisine au goût de Sud, de tous les suds. Amateurs de plaines enneigées, s’abstenir.