Chronique

Joëlle Léandre & Núria Andorrà

Bla Bla Bla

Joëlle Léandre (b, voc), Núria Andorrà (perc).

Label / Distribution : Fundacja Słuchaj

S’il semble parfois difficile de trouver son chemin dans le paysage des musiques improvisées chez nos voisins ibériques - le Portugal semblant avoir colonisé les oreilles de toute la péninsule - il y a cependant de bien sûres boussoles. C’est le cas par exemple du pianiste catalan Agustí Fernández, chez qui nous avions pu découvrir il y a quelques années la talentueuse percussionniste Núria Andorrà qui accompagne pour la première fois Joëlle Léandre dans un album pour le label polonais Fundacja Słuchaj. La rencontre est presque évidente : dans le travail d’Andorrà, on retrouve quelques rhizomes d’un autre percussionniste qui a beaucoup travaillé avec la contrebassiste, Zlatko Kaučič.

Dans le très intense « Bla Bla 3 », alors que Joëlle Léandre sonde les tréfonds de sa contrebasse dans des gifles rageuses, Núria Andorrà s’invite dans cette rage tellurique en frappant elle aussi au plus près des abysses, ou frottant quelques pierrailles. Le morceau est aussi court qu’il est intense, il n’a pas à s’embarrasser de préliminaires. Les deux femmes parlent le même langage brut et direct, qui touche tout de suite aux émotions. Même le légèrement plus long « Bla Bla 6 », où la contrebassiste vocalise les ponctuations cristallines de la Catalane, va droit au but avec une belle intensité, l’archet venant donner de la profondeur aux cloches convoquées. La densité de l’échange entre les musiciennes ne se dément jamais, pas même dans « Bla Bla 9 » où la contrebasse s’incarne en vague de fond dans laquelle les stridences des frottements du métal semblent se noyer.

Le titre de l’album, Bla Bla Bla, nous prend à contre-pie : jamais le duo ne se perd en logorrhées inutiles. Les artistes ont certes des approches différentes, Núria Andorrà cherchant davantage la couleur ou l’ornementation tandis que Joëlle Léandre joue aux tripes avec une rage toujours florissante. Mais la solide pratique classique et contemporaine des deux femmes transparaît souvent et nourrit un dialogue d’une grande richesse, se débarrassant de toute joliesse inutile pour aller à l’essentiel : un langage commun et diablement universel.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 juin 2023
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