Chronique

Keita / Niggli / Brönnimann

Kalan Teban

Lucas Niggli (dms, perc), Jan Galega Brönnimann (as, ss, cl, bcl, perc), Aly Keita (balafon, kalimba, voc)

Label / Distribution : Intakt Records

Seconde incursion africaine pour Lucas Niggli, qui rejoint de nouveau le grand joueur de balafon Aly Keïta après Kalo Yele il y a quatre ans. Kalan Teban a mûri, comme le dialogue du trio. Jan Galega Brönnimann notamment a beaucoup fait évoluer son jeu, ce qui est sensible dès « Noussandia », le premier morceau de l’album. Keïta y est éblouissant, jouant simple et clair une mélodie légère, mais elle ponctuée par la clarinette contralto du Suisse, né comme Niggli au Cameroun. Confiné à la clarinette basse dans leur première rencontre, Brönnimann sort de son rôle de ponctuation ou de contrepoint lyrique pour jouer l’amalgame des timbres avec le balafon, ce qui permet à Niggli bien plus de liberté. On le constate avec l’intense « Djafa Nema », signé par Keïta, où Niggli à la batterie se révèle des plus acharnés.

C’est la musicalité de cet album qui impressionne. Une rare alchimie étreint tout l’album. Avec « Douga », l’album prend même une tout autre dimension avec le choix de Keïta de chanter. Ce qui était jusqu’à lors une rencontre intercontinentale se fixe durablement en Afrique. Il n’y a pas seulement l’échange entre instrumentistes, mais une cœur qui palpite dans la tradition griotique, sans pour autant se prendre les pieds dans l’ornière de la World Music. L’éviter ne tient qu’à quelques détails, mais ils sont primordiaux : le balafon se joue d’ostinati créatifs pendant que Brönnimann tient une ligne discrète mais fondatrice. Quant à Niggli, il explose toutes les formes, ponctue, commente et danse, littéralement, sur ses percussions.

Pourtant, le Suisse n’est pas au centre de cet album, que Keïta marque de son empreinte bien plus que le précédent. La douceur de son jeu sur « Mogo-Sobé », l’énergie de « Voilà » portent la marque de son jeu, auquel ses deux compagnons adhèrent sans réserve. Il n’y a aucun exotisme dans ce disque qui réunit trois grands connaisseurs de l’Afrique, mais un lien permanent entre la tradition, les rythmiques impaires (« Riddim ») et une certaine sophistication qui offre une dose d’imaginaire moelleux. Kalan Teban est un disque joyeux, paisible. Le résultat d’une grande complicité sensible entre les musiciens. Difficile de ne pas tomber sous le charme.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 mai 2020
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