Scènes

Killing Spree : live evil.

Compte rendu du concert de Killing Spree, le vendredi 13 décembre 2019, Pannonica / Le Dix - Nantes


Grégoire Galichet, photo Fabric Journo

Jamais les murs n’auront autant tremblé lors d’un concert prenant place dans une programmation dite “jazz”. Seulement trois sur scène mais avec une puissance digne d’une armée à la solde du Grand Satan, Killing Spree est venu présenter son répertoire invité par le Pannonica. Croisant le meilleur du rock agressif et du free jazz, le trio fait des heureux chez les amateurs de musique radicale.

Délocalisé, pour cause de travaux de mise aux normes du club de la Place du Marché Talensac, à la maison de quartier Le Dix sur les hauteurs du quartier Chantenay, le Pannonica accueille un groupe qui s’est fait remarquer voici cinq ans avec la sortie d’un premier disque paru sur le label Ayler Records. Frontal, sans concession pour la joliesse et refusant tout verbiage au bénéfice d’une immédiateté mêlant metal extrême et jazz sauvage, l’hypothèse selon laquelle la scène ne peut être que le lieu de son épanouissement (le deuxième disque est d’ailleurs enregistré live au Japon) s’avère exacte.

Sylvain Daniel, photo Fabrice Journo

Les compositions sont, en effet, accrocheuses et captivantes ; capiteuses mais avec la lourdeur des alcools forts plutôt que la légèreté enivrante des petits vins. Le trio fait dans le massif et construit un mur du son sur lequel s’écrase toute velléité de fuite. Chaque titre investit largement les champs à explorer et tord le son et le temps dans un même alliage bouillonnant.

Drivé par Matthieu Metzger, au baryton ou à l’alto, Killing Spree déjoue les codes. À grand renfort de cellules rythmiques hypnotiques, le saxophoniste louvoie avec agilité à travers des parcours harmoniques étranges. Bousculé en permanence par une batterie puissante, il se débat pour la surpasser et ce jeu du chat et de la souris est une réussite du programme. Grégoire Galichet, batteur tellurique venu du rock, fournit un jeu intense et permanent. Sec et ultra rapide, il découpe les compositions au scalpel avec la précision d’un chirurgien devenu fou.

Il faut dire qu’il doit en permanence creuser le son large comme une mer de la basse de son collègue Sylvain Daniel. Solide dans son assise et fascinant dans sa félinité, celui-ci déroule des riffs épileptiques avec une attaque ronde et claquante qui apporte beaucoup d’élasticité à ce groupe.

Musique sans concession, à la fois brutale et sidérante, Killing Spree détonne dans le paysage jazzistique actuel et fait preuve d’originalité. Avec Cartel Carnage, également entendu dernièrement, il montre que les esthétiques transversales les plus radicales sont des territoires à travailler avec urgence.