Chronique

La Marmite Infernale

Humeurs et vacillements

Label / Distribution : ARFI

Quarante ans, au bas mot, que la marmite brûle sur les flammes de l’enfer et aucune odeur de calciné ne se dégage du grand orchestre de l’ARFI. Le contenant, il est vrai, est bien culotté par cette cuisson longue durée mais le culot vient surtout des audaces permanentes et du fonctionnement gentiment libertaire de cette formation qui se range au côté des meilleurs orchestres dadaïstes (s’affirmant, plus volontiers, oulipien – ou plutôt oumupien) de l’Hexagone et pourquoi pas d’Europe.

Le voici de retour avec Humeur et vacillements qui voit l’effectif pour moitié renouvelé avec cuivres et bois, percussions variées, toujours, et désormais cordes (violon, violoncelle) et voix. N’en jetez plus ! D’autant qu’à la Marmite Infernale, tout se garde. Chacun est libre d’apporter des compositions et participer aux arrangements. Et cela s’entend. La diversité des influences traversées fait toute l’identité du répertoire. Du punk, de la chanson, des phrases savantes et tortueuses, des timbres alambiqués et des nuances sophistiquées, du jazz bien sûr, du début à la fin. L’envie toujours neuve de musique nouvelle est là et l’unité vient de cet assemblage assumé et généreux.

À ces sources d’inspiration s’ajoutent de surcroît des émotions multiples : du rire sarcastique ou bonhomme (« Viscères électriques » ou « Biathlon ») aux airs touchants de grâce (« Le Jardin des amours »), l’orchestre vrombit à plein et touche souvent sa cible. Difficile de distinguer des individualités [1] dans les efflorescences permanentes des pupitres : le collectif fonctionne de manière soudée et les jointures esthétiques, justement, ne se voient pas. La gastronomie sonore se concocte avec beaucoup d’exaltation dans ce disque euphorisant et capiteux. S’il peut faire tourner la tête par son trop-plein, il rassasie surtout délicieusement.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 10 juillet 2022
P.-S. :

[1Mélissa Acchiardi (vibraphone), Jean-Paul Autin (s, fl), Olivier Bost (tb), Clémence Cognet (vl, vx), Colin Delzant (vlcl), Jean-Marc François (objets), Xavier Garcia (clavier, sampler), Christophe Gauvert (cb, eb), Clément Gibert (as, cl), Félix Gibert (soubassophone), Damien Grange (vx), Guillaume Grenard (tp, euphonium), Antoine Läng (vx), Marie Nachury (vx), Thibaut Martin (dms, métallophone), Alfred Spirli (dms, objets)