Chronique

Lol Coxhill & Enzo Rocco

Fine Tuning (The Gradisca Concert)

Lol Coxhill (ss), Enzo Rocco (g)

Label / Distribution : Amirani Records

Le guitariste Enzo Rocco est un improvisateur italien de premier plan qui s’est souvent attaché à travailler le son clair de sa guitare, dont la distorsion est bien souvent absente, en s’entourant de tubistes. C’est ainsi qu’on a pu le voir arpenter le monde des années durant avec son Tubatrio. En France, il a également joué avec Bruno Tocanne et Frédéric Monino. Sa rencontre avec le sopraniste anglais Lol Coxhill remonte au début de ce siècle et ses London Gigs sont une succession de duos avec les comparses de ce dernier, Steve Noble ou John Edwards, par exemple. Habitué des soli ou des relations intimistes en duo, Coxhill, quant à lui, s’est fait parcimonieux sur disque dans les années 2000, malgré une imposante présence sur scène.

Ce concert en duo, enregistré en 2008 à l’occasion des vingt ans du festival « All Frontiers » de Gradisca d’Isonzo [1], dans le Frioul, à quelques kilomètres de la Slovénie, permet de constater que l’Anglais n’a rien perdu de la fougue distanciée et de la jovialité méticuleuse qui ont fondé son son rocailleux et cependant très pur.

Fine Tuning est une rencontre brève (l’album dépasse à peine la demi-heure) mais fructueuse entre deux musiciens manifestement heureux de se retrouver. Nul affrontement ici, puisqu’aucun des deux ne cherche la suprématie sur l’autre ; Fine Tuning, ce n’est pas seulement l’accordage idéal, c’est une double entente. Mieux, une double écoute fondée sur des directions communes malgré des versatilités constantes. Le jeu parfois étranglé de Coxhill est l’axe autour duquel le volubile guitariste circule avec détachement, grâce à son extraordinaire toucher. On sent de l’humour dans chaque prise de « parole », de l’imagination dans les fausses pistes, mais peu de chausse-trappes, seulement des zigzags harmonieux et des déviations espiègles… Le propos est commun, et dans ce morceau unique, il y a peu d’échappées solitaires, même si le soprano semble prédominant dans la voie à tracer. Lorsque Coxhill part en éclaireur, la guitare de Rocco se fait discrète, distillant de subtiles rythmiques en tapinois jusqu’au quasi-silence. A l’inverse, si la guitare s’approprie le discours, c’est encore pour étoffer les lentes stridulations de Coxhill. Fine Tuning témoigne de la joie commune qui peut animer à la fois les musiciens dans l’immédiateté de la création et leurs auditeurs, comme une bouffée d’air frais.