Chronique

Longboard

Being Wild

Alban Darche (ts, ss, cl, as, cla), Matthieu Donarier (ts, cl), Meivelyan Jacquot (g, dms, elec, fx)

Label / Distribution : Yolk Records

Quel que soit le propos ou l’envie d’Alban Darche et des amis qu’il réunit avec lui - davantage qu’autour de lui, la notion est d’importance -, les images qu’évoquent sa musique sont immédiatement présentes. Elles sont travaillées, léchées même, avec de la lumière s’il en faut et ce qu’il faut d’ombre. C’était l’évidence avec Polar Mood avec le Gros Cube, mais ça l’était tout autant avec My Xmas TraX avec l’Orphicube. C’est en trio que l’on retrouve le multianchiste, et c’est de nouveau un plaisir des oreilles qui se transmet aux yeux. Avec en prime des allures de refondation de ligue dissoute : si l’on n’est guère étonné de retrouver sur Longboard Matthieu Donarier, habitué à surfer aux côtés d’Alban Darche, il est plus joyeusement surprenant de voir réapparaître Meivelyan Jacquot dans la galaxie Yolk. Pour les plus anciens suiveurs du label nantais, Jacquot, c’était d’abord le batteur du Quartethno, il y a vingt ans de cela, avant d’embrasser une carrière tournée vers la pop et l’habillage sonore. Longboard d’ailleurs en intègre quelques atomes. Il suffit d’écouter la fluidité mélancolique de « Embrace The Grace » pour s’en convaincre. Jacquot à la guitare se laisse porter par un flot sans heurts des saxophones. Il y a du Pink Floyd dans la gamme de couleurs. Douce hallucination.

Longboard est largement marqué par l’aspect kaléidoscopique des images. Nul psychédélisme, mais ici et là quelques effets d’optique et des solarisations. C’est en tout cas ce qui émane de « Beauty and Sadness » et son profil sombre, presque naturellement signé par Alban Darche. La guitare se fait plus vindicative, les soufflants s’unissent dans une touffeur sensible. C’est l’empire des sens, et ils sont déboussolés, comme roulés dans la déferlante. Il faut savoir tenir la planche, d’autant que les courants et les températures sont changeantes. Ainsi « The Thin Ice » signé Donarier débute par des sons étouffés, comme prisonnier d’une chape qui va bientôt se briser sous l’insistance d’une batterie virulente et impaire. Quelque chose craque, s’échauffe… Voici une vague plus forte que les autres, sans être un tsunami, mais elle se répète, s’inscrit dans le temps et permet à Donarier et à Darche de deviser en bons amis. Le premier est chaleureux, très doux, dans la même esthétique que Wood avec Sébastien Boisseau. Du bois dont on fait les planches. Il n’y a pas de tension à proprement parler au sein de ce trio très égalitaire, où chacun imbrique ses idées davantage qu’il les confronte.

On retrouvera ce sentiment dans le très darchien « Gymnophobie » qui prend pourtant des atours traînants et électroniques sous l’impulsion de Jacquot. Longboard est, contre toute attente, un sport collectif. C’est ce que suggère également la pochette très fifties de cet album qui trouve dès « RoadMap » son énergie motrice et son envie d’aller droit devant avec ce qu’il faut de décontraction bravache. S’il est acquis que les surfeurs peuvent parfois de gentils garçons de bain peroxydés obsédés par l’apparence, il n’en est rien des aficionados de Longboard qui prêtent attention à tous les signes et tous les courants porteurs. Ne nous reste plus qu’à prendre le bon rouleau en leur compagnie. Being Wild ne demande pas nécessairement d’être né pour cela.