Portrait

Tatsuya Nakatani, le percussionniste poids lourd

Aucun recoin des États-Unis n’a de secret pour le musicien japonais.


Tatsuya Nakatani @ Avec l’aimable autorisation de Tatsuya Nakatani

Depuis une douzaine d’années, Tatsuya Nakatani sillonne les routes des États-Unis à bord d’un camion aménagé pour aller à la rencontre de musiciens de tout poil et disséminer son projet Nakatani Gong Orchestra.

@ Avec l’aimable autorisation de Tatsuya Nakatani

Las de tourner en rond dans son Japon natal, le percussionniste Tatsuya Nakatani débarque à Los Angeles en 1994 avant de s’installer successivement à Boston, New York, Easton (dans l’est de la Pennsylvanie) et finalement Truth or Consequences – cela ne s’invente pas –, une bourgade du Nouveau-Mexique proche de la frontière mexicaine où il réside depuis 2017.

Il bâtit sa réputation à New York au sein du trio Map, avec la guitariste Mary Halvorson - alors inconnue -, avec Blue Collar, trio formé en compagnie du tromboniste Steve Swell et du trompettiste Nate Wooley, ou encore au sein de la formation du saxophoniste Sabir Mateen. En outre, il compte parmi ses admirateurs le contrebassiste allemand Peter Kowald qui lui fait pas mal de publicité. En France, on le connaît surtout pour son travail avec le saxophoniste Michel Doneda, le percussionniste Lê Quan Ninh ou la chanteuse Catherine Jauniaux.

Durant son séjour en Pennsylvanie, Nakatani troque son break Subaru pour un camion Dodge Sprinter 2500 qu’il trouve d’occasion sur Craigslist, un site de ventes de particulier à particulier. À partir de là, il peut vraiment concrétiser son rêve de gigantesques tournées à travers les États-Unis pour donner du rayonnement à son Nakatani Gong Orchestra et partir à la rencontre de musiciens aux talents insoupçonnés. À chaque étape de ses tournées, le percussionniste invite une quinzaine de musiciens à se produire en sa compagnie à l’issue d’une master class – un indicateur de la richesse de la scène musicale américaine. Il noue ainsi des liens avec des musiciens moins connus tels que le saxophoniste Gary Hassay ou le guitariste Shane Parish.

Voilà maintenant 13 ans que Tatsuya Nakatani est au volant de son camion qui aujourd’hui affiche plus de 480 000 km au compteur. « Beaucoup de musiciens à New York ou Chicago ont l’avantage d’être près d’un grand aéroport, ce qui est pratique puisqu’ils veulent faire des tournées en Europe, dit-il. Quant à moi, j’adore ce pays et il y a tant d’endroits où se produire. Durant une tournée, je me rappelle avoir donné 75 concerts en trois mois. J’aime jouer et je suis toujours impatient de le faire, même s’il n’y a pas beaucoup d’argent à la clé. »

@ Avec l’aimable autorisation de Tatsuya Nakatani

Tout compte fait, c’est un moyen économique de faire ses tournées. Il aménage son véhicule de manière à pouvoir cuisiner et dormir dedans. Il prétend qu’il ne lui est jamais arrivé d’ennuis. « Je fais très attention ; si je joue dans une grande ville, une fois le concert terminé je reprends la route pour trouver un endroit tranquille où passer la nuit », explique-t-il. Son camion lui permet de partir avec tous ses instruments et d’amener de la marchandise, car Nakatani est une entreprise à lui tout seul : auto-productions (compact-disc, cassette ou vinyl), accessoires, tote bags, tee-shirts et, surtout, ses célèbres et singuliers archets qu’il vend à travers le monde.

Initialement, le Japonais a mis au point ces archets pour les utiliser sur ses gongs, car il n’en existe pas qui soient prévus à cet effet. Deux ans furent nécessaires avant qu’il ne parvienne à un résultat satisfaisant après moult prototypes et essais. Depuis, il travaille également sur des applications plus traditionnelles : violon, violoncelle et, bien entendu, contrebasse. Les contrebassistes Barre Phillips, Mark Dresser, Joshua Abrams ou William Parker figurent parmi ses plus fidèles clients. Et durant la période de vaches maigres imposée par la pandémie, cette activité s’est avérée salvatrice et a permis au percussionniste de joindre les deux bouts.

Durant les quatre derniers mois de 2021, Tatsuya Nakatani a pu finalement reprendre la route. Il espère que 2022 lui sourira encore plus et lui permettra de redonner à ses tournées toute leur stature.