Chronique

Maya Dunietz

Thank You Tree

Maya Dunietz (p), Barak Mori (b), Amir Bresler (d)

Label / Distribution : Raw Tapes

Le retour du trio de la pianiste israélienne Maya Dunietz ne devrait pas passer inaperçu. Deux ans seulement après l’excellent Free The Dolphin, avec de nombreux concerts entre-temps, le trio s’est installé dans une routine qui n’a rien d’un train-train quotidien. Il s’agit plutôt de toujours prendre et donner du plaisir avec la musique. La musicienne compose une partie du répertoire et le trio présente deux plages d’improvisation, des Aventures. Leur musique est toujours aussi délicate et aérée, avec des changements de rythme et de tempo réguliers, des tables renversées à tout moment et toujours ce sens du moins pour faire plus.
L’héritage du jazz historique est toujours présent dans les fulgurances stride ou swing du piano qui aussitôt se transforment en fugace modernité. L’approche mélodique est toujours surnageante et prime sur le reste : ce sont de petits lieder, des bonbons acidulés.

Il faut aussi noter l’originalité de la narration, parfois décousue, surprenante, avec des moments de presque silence, lents, puis des cascades en tutti. Maya Dunietz qui, par ailleurs, compose pour des orchestres, joue en trio avec des improvisateurs comme John Edwards et Steve Noble ou en duo électro Perpetum Disco avec Ram Gabay. Elle accorde une grande attention à la sonorité, à la résonance et plus encore, au sens des sons plutôt qu’à leur fonction dans la musique. C’est flagrant dans « Sad In The Morning Bird Song Adventures Pt1 » où la narration semble hachée, bancale, comme si on écoutait un disque en dentelle de vinyle.

C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’elle arrange - pour un ensemble de vents et percussions invité sur le disque (dont le trompettiste Avishai Cohen et le tubiste Yuval Zolotov) - trois interventions, et cette cavalcade enjouée sur « New Day Rag ». Encore une marque de l’histoire du jazz.

La petite perle se trouve dans la reprise de « Love Me Tender », une version qu’elle joue sur scène depuis longtemps et qui se dévoile au fur et à mesure, le thème étant joué en fanfare par les vents et la mélodie assurée au tuba. Maya Dunietz explique dans cet entretien les raisons de son attachement à cette bluette si connue.
Ce disque emporte avec lui quelques secrets, volant au passage - à son écoute - les pensées dans lesquelles on est plongé. Et les trente dernières secondes sonnent le glas.

par Matthieu Jouan // Publié le 3 septembre 2023
P.-S. :