Tribune

La Jazz Hotte 2014

Quelques pistes de cadeaux pour faire plaisir, sans risque, à l’approche de Noël.


Ceux qui ont dans leur entourage des amateurs de jazz et qui, à l’approche de Noël, ne savent pas quoi leur offrir ne doivent pas désespérer. Inutile de se rabattre sur une poubelle de table en céramique ou sur un légendaire « Guide des vins de la Loire ». Citizen Jazz est votre sauveur. En effet, en cette période d’achats compulsifs, voici quelques pistes pour faire plaisir, sans risque, à toutes les sortes d’amateurs, du plus pointu au plus novice.

Que trouve-t-on dans cette jazz hotte de Noël ? Des livres, des DVD et des disques, soit de quoi passer quelques heures à apprendre et à découvrir.

En premier lieu, un coffret tout neuf sorti chez The corporation Paris, regroupant cinq DVD et intitulé : Jazz, 100 ans de légende / La série de Ken Burns. Un cadeau qui s’adresse aussi bien à ceux qui veulent découvrir qu’à ceux qui connaissent déjà. Les premiers y apprendront l’histoire de ce courant musical, ses héros, ses hauts-faits, en douze épisodes couvrant une période allant du XIXe siècle à nous jours (un seul pour 1960-2000). Les seconds passeront outre le parti pris historique et esthétique qui présente cette histoire du jazz comme un mouvement exclusivement afro-américain aux frontières stylistiques assez nettes. Les commentaires et explications de Wynton Marsalis garantissent ce manichéisme. Qu’importe, après tout, car on y trouve des documents iconographiques assez exceptionnels que les connaisseurs apprécieront. Le bonus offre également une série de prestations filmées assez rares et historiques. Il vous en coûtera environ 50€, mais vous ferez un-e heureux-se.


Trop jazz ? J’ai ce qu’il vous faut.

Pour l’anniversaire de la mort du chanteur est sorti un coffret de 2 DVD chez Universal, Nougaro, l’enchanteur, anthologie de ses chansons et interviews télévisées, des années 60 aux années 80. Il faut dire que Nougaro a vraiment su intégrer le jazz dans sa poésie, son univers musical, du moins à ses débuts. Et c’est un plaisir que d’écouter ces mélodies chantées avec d’aussi bons accompagnateurs. On appréciera aussi la plongée dans l’univers schnock de ces émissions aux images criardes où l’on mélangeait les genres, les laines et les couleurs.


On peut associer à ce coffret le livre de Christian Laborde : Nougaro, le parcours du cœur battant, chez Hors Collection. Cet ami et confident du chanteur y retrace toute une vie d’artiste : histoires, témoignages, commentaires, biographie et photographies d’archives constituent une somme inégalable. Vous saurez tout sur Nougaro et les deux univers qu’il a associés : le jazz et la variété. Je vous fais le lot à 50 €, là encore.


Les petits budgets d’étudiants préféreront la biographie de George Gershwin signée Frank Médioni chez Folio. Ce n’est pas un luxe que de se plonger dans cet ouvrage, qui a le mérite d’être agréable à lire. Beaucoup de références, de citations, de détails qu’on sent piochés dans les archives font de cette biographie une histoire à peine romancée. Il faut dire que le personnage s’y prête bien : sale gosse devenu héros de son siècle, musicien insatisfait, flambeur et joli-cœur, le tout couronné par une mort prématurée à 39 ans. Il avait tout du personnage de tragédie.


Un peu de musique qui s’écoute, maintenant.

S’il ne l’a pas déjà, vous offrirez à l’amateur de votre entourage, le coffret Miles at the Fillmore sorti chez Sony qui regroupe en quatre CD les performances de 1970 au Fillmore de New York (East) et de San Francisco (West).

Il regroupe et complète les disques précédents At Fillmore East (17 juin 1970), Live at Fillmore East (7 mars 1970) et Black Beauty, Miles Davis at Fillmore West (10 avril 1970) - déjà un coffret. Si vous suivez, vous aurez compris que ces concerts donnés entre mars et juin 1970 ont marqué les esprits. Entouré de Steve Grossman (sax), Chick Corea et Keith Jarrett (elec. p), Dave Holland (b), Jack DeJohnette (d) et Airto Moreira (perc) Miles Davis fusionne, électrise, étire, malaxe la musique, transformant en magma métallique un jazz déjà passablement étrillé. C’est beau, c’est terrifiant, c’est transcendant, ça se met au pied du sapin.


Terminons par quelques disques à l’unité, afin d’étonner neveux, amis et belles-sœurs.

Dans le registre tranquille, le CD-DVD Ray Charles, Live at l’Olympia de Sun Records fera l’affaire. En 2000, lors d’une tournée mondiale avec son orchestre, Ray Charles est programmé à l’Olympia. Son show de l’époque, hyper rodé, n’a plus grand intérêt : le vieux chanteur ressasse. Or, une succession de contre-temps empêche l’orchestre de se produire, et c’est finalement en trio, que Ray Charles assure la prestation, en tenant lui même le piano. Plus question de se planquer derrière les tutti de cuivres et de laisser le moteur tourner ! Il faut descendre et pousser. C’est donc un document étonnant, plein de sensibilité et de fêlures. Et avec tous les tubes du genius.


Ceux et celles qui fondent en écoutant Gregory Porter, le baryton à la voix de velours, ne pourront pas passer à côté de la compilation Issues of Life - Features and Remixes (Membran Media) qui rassemble les prestations du chanteur en tant qu’invité au sein d’autres groupes ainsi, donc, que des remixes de ses titres - « Moanin’ », « She Danced Across the Floor », « Hope Is A Thing with Feathers », « Song of the Wind »… Une sorte de petit bonus pour collectionneur.


Dans la même série « disques qui font plaisir », citons l’hommage collectif à Nina Simone intitulé Autour de Nina (Verve) : dix chansons incontournables de cette grande musicienne, reprises par des vocalistes habités (Lianne La Havas, Keziah Jones, Gregory Porter, Olivia Ruiz, Melody Gardot, Youn Sun Nah, Camille…). Parfait pour la voiture. On notera quand même la rythmique excellente et enjouée, tenue par Bojan Z (p), Cyril Atef (d) et Christophe Minck (b). On est sauvés.


Si avec tout ça, vous hésitez encore, tentez carrément le coup de folie avec l’excellent et surprenant Un Poco loco (Umlaut Records). Un trio trombone (Fidel Fourneyron) / sax - clarinette (Grégory Gesser) / contrebasse (Sébastien Beliah) qui reprend des standards de be-bop (majoritairement) et en font de délicieuses miniatures sautillantes. Un régal. Avec l’assurance de surprendre, ce disque fait la synthèse des genres, des styles et des sonorités. Un joyeux Noël en perspective.

Ne remerciez pas, c’est cadeau.