Chronique

Moskus

Mestertyven

Anja Lauvdal (p), Fredrik Luhr Dietrichson (b), Hans Hulbækmo (dms)

Label / Distribution : Hubro

Figure de proue de la jeune génération scandinave, le trio norvégien Moskus publie avec Mestertyven son second album, après Salmesykkel, enregistré en 2012. Fidèle au label Hubro, qui distille avec insistance des disques venus du nord où se croise jazz, pop et improvisation, le groupe de la pianiste Anja Lauvdal propose une musique ludique, à la fois chatoyante et exigeante. Disque ramassé dont les morceaux au format très court, rarement plus de quatre minutes, sont autant de petits univers indépendants. Mestertyven est une ode à la spontanéité où la synergie entre les musiciens fait le nécessaire. Ainsi, dans le pétillant « Rullings », le contrebassiste Fredrik Luhr Dietrichson et le batteur Hans Hulbækmo bâtissent dans l’instant une sorte de spirale en constant mouvement sur laquelle le piano de Lauvdal vient marteler les basses.

La jeune pianiste est au centre de ce trio, sans pour autant en réclamer le leadership. Elle donne certes le ton, ainsi que le climat général et la profondeur qu’il faut à chacun des morceaux. Mais l’on perçoit très vite que la réflexion est collective, tout comme la responsabilité de ce jeu sans filet qui ne fuit pas la mélodie ; sur « Leverpostei Med Brie », qui s’ouvre sur un solo bondissant de Dietrichson, le piano tente d’apprivoiser un thème pour conférer de la légèreté à la nervosité apparente. Le bagage technique de la jeune femme est impressionnant, et laisse deviner un parcours classique important. La main gauche est à la fois leste et puissante, en témoigne la rythmique complexe de l’excellent « Fuglene var i ertehumør ».

Mestertyven a été enregistré à l’occasion d’un festival de musique de chambre à Risør en Norvège, dans une église en bois du 17e siècle, comme il en existe encore quelques-unes dans le nord de l’Europe. Moskus a fait le choix, à l’inverse de son premier album, de livrer un matériel totalement improvisé, laissant libre cours à un plaisir du jeu acidulé et très enfantin. Il en reste quelque malice, y compris dans les morceaux les plus abstraits comme dans « Glasblåsem », où le piano s’amuse du tintement métallique d’objets sur la batterie. De la solennité du lieu, il ne reste qu’une atmosphère chaleureuse où la rigueur a la beauté de la simplicité. Un délicieux moment en compagnie d’un trio qui mérite une grande attention.