Chronique

Moskus

Papirfuglen

Anja Lauvdal : synths, clav, p - Fredrik Luhr Dietrichson : cello, mando, b - Hans Hulbækmo : d, perc, jews harp

Label / Distribution : Hubro

Dix ans séparent le premier disque du trio Salmesykkel et ce dernier Papirfuglen. Une décennie qui a vu également la sortie de Mestertyven, Ulv Ulv, Mirakler et un album à part, un live à Victoria en 2020.
Cette décennie sur les routes européennes à forger à la fois un son de groupe et une philosophie musicale fait du trio Moskus l’un des plus riches en matière de couleurs et de pâte sonore. Bien évidemment, ils ont su s’écarter du format traditionnel piano, contrebasse, batterie en introduisant d’autres instruments et une façon de jouer et d’arranger qui ne distribue pas de rôle aux instruments. La structure est forgée sur place, en direct, et chaque voix apporte autant que les autres à l’édifice.
Ici, comme Anja Lauvdal l’explique dans l’entretien qu’elle a accordé au magazine, tout ce qui était prévu par les musicien.ne.s avant d’entrer en studio a été abandonné en route pour une session enregistrée d’une traite, sur place, dans les conditions du direct. Autour des musicien.ne.s, de nombreux instruments, claviers, synthétiseurs, vocoders, clavecin, harpe et mandolines, percussions diverses… En s’en emparant au fil de l’inspiration, c’est toute la coloration qui est modifiée et qui donne une direction aux morceaux. On retrouve dans ce disque la recette Moskus, qui fonctionne également sur scène : une narration en spirale qui avance comme une vis sans fin et se modifie au fil de l’eau. Les trois instrumentistes sont plutôt adeptes d’une certaine mesure et ne cherchent pas la confrontation avec l’auditeur.trice, mais plutôt une mystification hypnotique qui procure presque un état de transe. Les titres évoquent quelques animaux et la nature, une référence à Eurydice et au Hortus deliciarum – le Jardin des Délices – un manuscrit écrit au XIIe siècle par une femme lettrée, Herrade de Landsberg. Ce ne sont pas des choix anodins. Au clavecin notamment sur ce titre, Anja Lauvdal improvise avec une grande douceur en laissant le silence faire contrepoint et donner toute leur force aux justes notes qu’elle joue. Les cordes de la mandoline ou du violoncelle viennent arrondir les éclats pincés du clavecin et sur « Hildegard », la flûte et les autres cordes frottées soutiennent le discours musical qui ne cesse de s’adapter aux instrumentations étonnantes qui portent ces 9 morceaux. Cet album, enregistré fin 2020, est disponible en vinyle.
Moskus, une fois de plus, propose une musique unique, rare et belle.

par Matthieu Jouan // Publié le 8 janvier 2023
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