Nicolas Folmer / Agathe Jazz 4tet à Nancy
Prolongement naturel de NJP entre novembre et mai, le Manu Jazz Club a ouvert sa saison 3.
En cet automne 2015, le rendez-vous mensuel proposé par Nancy Jazz Pulsations et le Théâtre de la Manufacture reprend du service. D’abord avec Nicolas Folmer en novembre, puis avec le quartet d’Agathe Iracema en décembre.
- Nicolas Folmer @ Jacky Joannès
Jeudi 12 novembre. Au début de l’année, Nicolas Folmer s’est offert un petit plaisir avec Horny Tonky, un album paru sur Cristal Records esthétiquement assez éloigné de ses précédentes productions, comme Lights (2012) ou Sphere (2014) qui le voyaient en particulier collaborer avec l’immense Daniel Humair. Cette fois, sans détour, gonflé d’une énergie héritière du Miles Davis électrique et des Headhunters d’Herbie Hancock, le trompettiste publiait ce qu’il convient d’appeler une déclaration enflammée à une musique qui n’hésite pas à emprunter quelques-uns de ses codes électriques au rock. Une réussite estampillée jazz-rock, dont la pulsation entêtante fonce fièrement vers un but que le public du Manu Jazz Club a pu entrevoir dès les premières minutes d’un concert donnant le la d’une saison prometteuse. Ce qui frappe à l’écoute de ces compositions qui défilent à la vitesse de l’éclair, c’est une certaine forme d’abnégation chez Folmer : il a beau être le leader du quintet en action, on ressent chez lui la nécessité de laisser à ses camarades de scène toute la place qu’ils méritent et qu’ils ne manquent pas d’occuper. Laurent Coulondre, dont on avait apprécié le trio lors du récent NJP en première partie d’Avishai Cohen, passe d’un clavier à l’autre et assure à lui seul une bonne partie du spectacle, y compris lorsque son orgue Hammond est victime d’une panne d’alimentation ; côté batterie, Damien Schmitt déverse un foisonnement qui va lui attirer très vite la sympathie de la salle ; plus discret lors de la première partie du concert, Olivier Louvel n’hésite pas à échafauder le scénario urgent et saturé d’électricité d’un guitar hero lors du second set ; plus discrète, presque placide, la basse de Julien Herné fait néanmoins face avec beaucoup d’aplomb à ces trublions insatiables. Un boulevard s’offre ainsi à Nicolas Folmer - co-fondateur du Paris Jazz Big Band et ancien membre de l’ONJ sous la direction de Didier Levallet - qui va pouvoir égrener le chapelet d’un répertoire empreint d’une jubilation contagieuse. Il dévoile à ceux qui le connaissent mal une facette supplémentaire d’une personnalité déjà riche de bien des rencontres et d’expériences multiples. Avec son titre gouailleur et sa musique charnelle, Horny Tonky a de faux airs d’une récréation ; c’est en réalité l’application d’un principe vital chez les musiciens de sa trempe : ne rien se refuser, et surtout pas la transmission directe des énergies. Mission accomplie !
- Agathe Iracema @ Jacky Joannès
Jeudi 10 décembre. Une salle bien remplie attend le quartet de la franco-brésilienne Agathe Iracema, venue présenter Feeling Alive, son récent disque publié sur le label Neuklang. Mêlant standards (« I’ve Got A Crush On You », « Softly As In A Morning Sunrise » ou « My One And Only Love »), une reprise de Betty Carter (« Droppin’ Things ») et différentes compositions, dont certaines signées par la chanteuse, aux confins du jazz et de la bossa nova, le répertoire est pour elle l’occasion d’une opération séduction auprès d’un public qui n’est pas insensible à ses postures charmeuses. Agathe minaude volontiers entre les chansons, prend un malin plaisir à rouler des yeux pétillants et à soulever à intervalles réguliers sa robe très élégante pour découvrir discrètement une plastique avantageuse. Loin des chanteuses à grosse voix, elle semble se glisser au cœur des thèmes à la façon d’un félin, préférant la confidence à l’exhortation. Parfois, elle se risque à l’exercice du scat – si souvent laborieux - qu’elle pratique avec un naturel souriant. On mentionnera la belle cohésion du trio qui l’entoure et sait faire parler le feu dès qu’un espace lui est accordé, en particulier durant le deuxième set : Pierre-Alain Tocanier à la batterie (le seul présent sur le disque), Leonardo Montana au piano et Christophe Wallemme à la contrebasse. Ces trois-là ont de l’énergie à revendre et permettent au concert de décoller vraiment sur le final, conclu par « I Got Rhythm » de George Gershwin en guise de rappel. Bref, une soirée agréable, d’une grande propreté, à défaut d’être inoubliable. Peut-être aurait-on aimé un peu moins de sagesse et un peu plus de transpiration…
On attend maintenant, non sans impatience, le jeudi 21 janvier. Ce soir-là, le contrebassiste Yves Rousseau et son Wanderer Septet viendront partager leur musique inspirée par Franz Schubert. Ce sera sans nul doute un des plus beaux moments de cette troisième saison.