Peu ou prou héritier de Michel Legrand, le trompettiste Nicolas Folmer rend hommage à celui qui fut un peu son mentor, avec une liberté de ton qui démontre, si besoin était, qu’il s’est émancipé de la tutelle du légendaire musicien. Folmer avait déjà travaillé avec Legrand à la fin des années 2000 [1]. Il s’agissait alors de jouer le répertoire d’un musicien total, dont la jazzosphère retient surtout les enregistrements avec Miles Davis ou John Coltrane (entre autres), ou bien les compositions devenues des standards, comme « You Must Believe In Spring », ce dernier est d’ailleurs présent sur ce nouvel album dans une relecture qui fleure bon l’esthétique « davisienne », époque second quintet.
Folmer en connaît un rayon en la matière depuis son disque Dear Miles : il sait que pour rendre hommage à un musicien qui fut aussi producteur, il faut être plus que cela. Metteur en scène, réalisateur. Legrand a composé pour le cinéma, notamment pour la Nouvelle Vague ? Folmer déploie des arrangements qui sont autant de cadrages poétiques, de mouvements de caméra hypnotiques et, surtout, de montages elliptiques. Il faut même embrasser l’ensemble de la carrière du prédécesseur à qui l’on rend hommage. Sur ce nouveau disque, par exemple, il n’oublie pas le compagnonnage de Legrand avec Nougaro (le premier découvrit d’ailleurs le second).
On connaissait le trompettiste virtuose au phrasé délicat. On découvre sur ce disque un chanteur qui a tout d’un crooner, non sans une once d’humour. L’orchestre, superlatif, le suit volontiers dans sa quête : par la rondeur de la rythmique, propulsée notamment par le vénérable André Ceccarelli et par le jeune Jérémy Bruyère, la pertinence des instruments harmoniques (remarquable Olivier Louvel à la guitare notamment, ou encore Laurent Coulondre à l’orgue), la flamboyance des solistes (on retiendra un solo à tomber de Stéphane Guillaume au saxophone ténor) et, plus généralement, par le plaisir d’être ensemble, transportés par le répertoire d’un plus (Le)grand que soi. Avec ces histoires de Legrand, Nicolas Folmer vise haut : il déploie, avec son orchestre, des ondes d’émotions patrimoniales et cependant libératrices.