Chronique

Nicole Mitchell Black Earth Ensemble & Ensemble Laborintus

Moments of Fatherhood

Nicole Mitchell (fl) ; Renée Baker (vln) ; David Boykin (st, cl) ; Aruán Ortiz (p) ; Cèsar Carcopino (dm, vib) ; Benjamin Duboc (b) ; Sylvain Kassap (cl) ; Anaïs Moreau (cello)

Label / Distribution : Rogue Art

Puisant son inspiration dans la dignité de photos de familles noires américaines exposées en 1900 par W.E.B. Dubois, Moments of Fatherhood, offert au public en 2015 à l’occasion de ces belles rencontres que mettent en scène le festival Sons d’hiver, est une pure merveille.

Le Black Earth Ensemble, à la tête duquel Nicole Mitchell a enregistré ce disque, n’est que l’une des entités parmi la multitude de ses projets et configurations (Ice Crystal, Sonic Projections, Black Earth Strings, Indigo Trio, Frequency).
A vrai dire, c’est davantage un concept qu’une véritable formation arrêtée, ses éléments allant et venant à l’exception du saxophoniste David Boykin, toujours présent.
A cette équipe s’est cette fois ajoutée une partie de l’ensemble Laborintus du clarinettiste Sylvain Kassap.

Par le cumul des projets respectifs de ces deux ensembles, l’un tourné vers la musique afro-américaine, l’autre, bien que partant du jazz, se tournant plus volontiers vers les formes savantes de cette musique qu’on appelle faute de mieux contemporaine, le programme de la rencontre est similaire par l’esprit à une part des ambitions de l’AACM. La vénérable et magnifique association de Chicago, dont on goûte encore régulièrement les merveilles – merci au label RogueArt à ce propos –, fut d’ailleurs dirigée un temps par Nicole Mitchell.

Ce que ce programme peut avoir d’ambitieux et donc d’intimidant est vite balayé par un propos jamais empesé où tout est léger et guilleret.
Dans des miniatures aux complexités aussi folles qu’évidentes, dialoguent des ondulations latines et des flots enchanteurs portés par la dimension chambriste de l’ensemble.
Difficile de détacher un morceau ou de trouver des qualités particulières à tel ou tel : chaque seconde d’écoute est remplie d’idées merveilleuses sans que, magie des auteurs, jamais ne se ressente la sensation de « trop ».
De la profusion et un sens de l’essentiel dans un mélange rare et merveilleux.