Chronique

Rob Mazurek Exploding Star Orchestra

Live at Adler Planetarium

Label / Distribution : International Anthem

Que la musique de Rob Mazurek soit cosmique, cela ne fait aucun doute. Climat revendiqué, électronique planante, construction aussi solide qu’elle peut être évanescente, ce qu’il démontre album après album, sous les T®opics ou ailleurs, n’a pas d’équivalent terrestre. Sa plus récente mouture de l’Exploding Star Orchestra, sorte de champ d’astéroïdes du jazz étasunien, en témoigne encore davantage ; Lightning Dreamers avait passablement marqué les esprits l’an passé, notamment avec l’adjonction de la voix du poète Damon Locks. Sa version live, sortie sur le label International Anthem et enregistré à l’Adler Planetarium de Chicago, en multiplie les effets : comment faire plus cosmique ? Comment faire plus électrique ? Les prises d’initiative inflammables de Craig Taborn et Angelica Sanchez sur « Parable 3000 » qui répondent aux constructions brutes des batteries de Gerald Cleaver et Chad Taylor en sont la brillante illustration. Les voyages spatiaux commencent sous le dôme des étoiles.

Il y a cette rythmique puissante, à laquelle s’ajoute la basse d’Ingebrigt Håker Flaten, résident texan comme Mazurek. Ce dernier est surtout le passeur vers l’autre pôle, l’accélérateur de particules qui communique avec l’autre force d’attraction de cet Exploding Star Orchestra, la relation entre la flûtiste Nicole Mitchell et la violoncelliste Tomeka Reid. Chez les deux anciennes dirigeantes de l’AACM, il y a une grammaire commune, magnifiquement mise en avant et sur laquelle la trompette brûlante et radioactive de Mazurek flotte comme pour favoriser l’entropie. Mitchell est partout et Reid la propulse, l’électronique et les batteries sont autour d’elles un anneau de puissance. C’est le sens de « Black River » où la voix de Locks ajoute cette singularité, ce mystère cosmique qui transporte cette musique contemporaine jusqu’aux racines d’un blues rocailleux, véritable noyau d’un projet luxueux et voyageur.

Il y a de l’effervescence dans ce Live At The Adler Planetarium, mais il n’y a pas de volonté d’esbroufe ni de mettre en avant une quelconque force de frappe. Comme tout système cosmique, tout est affaire d’ondes et d’orbites, de matière et d’attirance. Rob Mazurek y tient une position solaire sans se placer au centre, ce qui tient d’un paradoxe, capable d’imaginer quelque origine magique ou issue de phénomènes physiques encore à découvrir. C’est en tout cas une formidable façon de se laisser mener dans un univers unique constitué de forces infinies ; le plus immédiat des voyages sidéraux.

par Franpi Barriaux // Publié le 15 décembre 2024
P.-S. :

Rob Mazurek (dir, tp, perc voc, elec), Nicole Mitchell (fl, voc, elec), Damon Locks (voc, elec, fx), Tomeka Reid (cello, elec), Craig Taborn, Angelica Sanchez (cla, elec), Ingebrigt Håker Flaten (b), Chad Taylor, Gerald Cleaver (dm).