Chronique

Oni Giri

Le Jardin des rêves

Rémi Denis (p), Damien Boutonnet (b), David Carniel (dm), Say Nagoya (ts, ss), Christophe Leloil (tp)

Label / Distribution : Autoproduction

Deuxième album pour ce quintet phocéen qui tire son nom de ces délicieuses boulettes de riz fourrées japonaises. Le disque, enregistré au mythique studio de La Buissonne, à Pernes-Les-Fontaines, aligne huit compositions signées du pianiste Rémi Denis. Son appétence pour ce qu’il nomme le « jazz contemporain » se retrouve au fil des titres, entre recherche d’un jeu en miroir entre les différents instruments pour déployer des mises en abyme surprenantes et séquençage pour le moins elliptique des compositions, qui offrent à l’auditeur.trice des horizons oni(gi)riques inédits.

Les cadres mouvants des morceaux sont autant d’écrins dans lesquels les interactions entre musiciens se révèlent d’un naturel total. Certains thèmes relèvent d’un format peu ou prou conventionnel, mais néanmoins très actuel : échos du hard-bop le plus subtil quand Wayne Shorter et Lee Morgan frayaient ensemble dans les Jazz Messengers, tentation rappologique qui n’est pas sans rappeler l’art d’un Robert Glasper, que le pianiste révère. En outre, l’agencement de séquences rythmiques qui ne paraît pas aller de soi procure des émotions contrastées, avec une furieuse envie de s’immerger totalement dans les labyrinthes sensoriels générés.

La recette de cette deuxième livraison d’Oni Giri ? Déployez des dialogues élastiques entre un piano qui ne se répand pas en virtuosité mais cherche la simplicité du naturel et une batterie poétique, et bien sûr avec les autres instruments. Laissez une grande liberté à la contrebasse, au point de lui octroyer le premier chorus sur un thème (fait rare dans un quintet : c’est là un signe d’une égalité réelle entre musiciens). Donnez aux cuivres toute licence pour se montrer tantôt facétieux en évitant des traits d’ensemble conventionnels, tantôt mélancoliques avec une forte connotation spirituelle et sensuelle (Say Nagoya aux saxophones ténor et soprano, Christophe Leloil, ici sideman, à la trompette).
Il paraît que le nom du groupe, non content d’être celui d’un mets nippon somme toute très commun, aurait à voir avec quelque « devoir des démons ». On veut bien les croire, car leur musique ne nous lâche pas !