Dr. Lonnie Smith

Le docteur enturbanné (et pour cause, il est sikh !) est de retour avec « Evolution », un album qui marque ses cinquante ans de carrière. Le gourou de l’orgue Hammond B-3 fait de nouveau résonner le souffle de ses quatre-vingts huit touches au service d’un jazz contemporain, néanmoins pétri de tradition.
Ainsi, loin de ronronner, il a convié sur le premier titre un Robert Glasper étonnamment lyrique au piano, quand lui-même se charge évidemment du groove, dans l’acception la plus sensuelle du terme (dont la traduction littérale pourrait être « le sillon »…). Surtout, il a su s’entourer de jeunes loups de l’écurie Blue Note, tel le guitariste Jonathan Kreisberg, au jeu finement expressif, ou encore le batteur Johnathan Blake, virtuose qui donne la sensation d’être simultanément au fond du temps et dans la mesure suivante, et également le saxophoniste John Ellis qui nous gratifie aussi d’un beau duel de clarinette basse avec Joe Lovano au ténor. Justement, ce dernier retrouve le docteur (ainsi surnommé par ses compères musiciens pour sa capacité à absolument tout jouer) sur deux compositions originales, alors même qu’il avait été convié à enregistrer par le claviériste en 1975 (ce que d’aucuns considèrent comme la première session en studio de l’émérite saxophoniste).
Evidemment, Lonnie Smith sait s’effacer derrière de tels sidemen, sans pour autant oublier de se garder la part du lion sur des standards comme « Straight No Chaser » (Monk oblige), ou « My Favorite Things » (dont il restitue les coltranismes avec délectation, manière de rappeler qu’il publia ses premiers enregistrements quand le souffleur suprême se délectait de ce standard jusqu’à la lie), sans hésiter à apposer sa griffe, entre rage rythmique et écorchures mélodiques.