Palomo / Sato / Kristof

On est toujours content d’avoir des nouvelles musicales de Julien Palomo. D’abord parce qu’il fut - et, on l’espère, sera - un producteur tenace et fidèle des musiques improvisées les plus radicales au sein de son label Improvising Beings, mais aussi parce que c’est un musicien électronique tout aussi volontaire qui a aussi ses attachements. Son présent Heaven of Discontent en témoigne, avec ses vieux camarades le batteur Makoto Sato et le guitariste Michel Kristof, qui s’ouvre sur un « Prelude to a Slap » nerveux et étouffant, où les synthétiseurs vintage sont des tunnels profonds qui percent le silence pour y trouver l’impulsion électrique d’une guitare rêche et acide.

Heaven of Discontent, oxymore rebelle et clin d’œil à peine masqué au Winter of Discontent, épisode shakespearien des luttes sociales britanniques qui conduisit au triomphe de Thatcher, est un contexte qui sied à cette musique sur le qui-vive où Makoto Sato peine à contenir la rage et la nervosité alentour. C’est tout le sujet de « I Remember Ski », où la batterie se fait littéralement submerger par une guitare explosive qui atomise les nappes fragmentées des synthés. On pourrait songer à un pugilat, c’est plus sûrement un flot compact de mouvement contraires qui agissent comme une déferlante. Surtout lorsque l’agressivité de Kristof fait monter en puissance le son sinueux de Palomo, qui agit comme un serpent étrangleur et s’installe précautionneusement mais inéluctablement, imprimant dans « Heaven of Discontent » une sorte d’explosion collective, résolument compacte, qui emporte l’auditeur dans un roulis permanent.

Ce disque n’est pas une sortie d’Improvising Beings qui semble derrière nous hélas, mais c’est tout comme, jusque dans le design de la pochette. C’est surtout la preuve que Julien Palomo n’a pas renoncé à sa passion et à ses marottes, et c’est sans doute l’une des meilleures nouvelles de cet été grisouille. Heaven of Discontent est un disque comme on les aime, sans bornes ni règles autres que l’énergie brute et sèche de l’improvisation, avec des musiciens qui se connaissent par cœur et prennent plaisir à se retrouver. Nous aussi.