Chronique

Pierre-François Blanchard

#Puzzled

Pierre-François Blanchard (p), Thomas Savy (cl, bcl)

Label / Distribution : Les Rivières Souterraines

Très influencé par Pierre Barouh, âme du label Saravah et compositeur inoubliable du thème d’Un homme et une femme, le pianiste Pierre-François Blanchard en a gardé un goût pour la langueur et la poésie, ce que nous avions notamment pu découvrir dans Le Secret, le beau disque qu’il avait cosigné avec Marion Rampal où l’on retrouvait d’ailleurs un morceau de Barouh. La chanteuse phocéenne est le symbole d’une autre famille de musiciens qui a accueilli le pianiste, tout comme Raphaël Imbert. Conséquemment, Blanchard a travaillé avec Archie Shepp, qui ne tarit jamais d’éloges sur son jeu délié et très aérien, ce qu’on entend ici sur « C’est par où ? » où la main droite baguenaude dans une belle discussion avec la clarinette basse de Thomas Savy.

La rencontre avec ce dernier est sans doute la troisième famille de Blanchard, celle qui doit beaucoup à la musique écrite occidentale : « Tempêtes » est ainsi une lecture très concertante d’une rêverie romantique, les basses bâtisseuses tentant d’encadrer une clarinette légère comme une plume. On n’est pas surpris par la douceur du duo, davantage peut-être par cet attachement au format chanson, court et riche en narration. Ainsi « Asmara », qui dépasse à peine la minute, est une caresse nocturne, une virgule douce et ensommeillée où Thomas Savy retrouve la légèreté qu’il réservait aux orchestres de Guillaume de Chassy.

La délicatesse de Pierre-François Blanchard est la clé d’un album, la pièce manquante d’un puzzle qui décrit toute la personnalité d’un musicien assez secret, qui se révèle un chantre de la simplicité. « Puzzled », le morceau-titre, l’illustre : la clarinette lumineuse de Savy ouvre la voie à un piano caressant, ne cherchant jamais à dominer les débats, se livrant par fragments, avec l’aisance de ceux qui savent parfaitement où ils vont. Avec #Puzzled, Pierre-François Blanchard offre un instant d’intimité avec son instrument, parfaitement conclu par la berceuse « Lullaby For Freedom » comme une affirmation : la poésie élémentaire, sans lyrisme affecté, de #Puzzled est une musique d’émancipation.