Chronique

Pipeline 3

Flatus

Giancarlo Nino Locatelli (bcl, perc), Gianmaria Aprile (g, fx,perc), Simone Fratti (b, kal, objets, perc)

Label / Distribution : We Insist !

Flatus vocis, locution latine, parler sans intérêt. On en est loin ici avec le chaleureux timbre du clarinettiste basse Giancarlo « Nino » Locatelli. On avait aimé Situation, ou le lacyen italien se retrouvait seul ; ici, il se multiplie par trois et pourtant il maigrit. Pipeline 3, qui propose l’album Flatus avec le guitariste Gianmaria Aprile et le contrebassiste Simone Fratti, est une déclinaison de Pipeline 8 puis Pipeline 5 qui en revient à l’essentiel. On le constate dès « truncus » où le débit de la clarinette, doux et fluide, subit de nombreuses cataractes à mesure que la guitare d’Aprile entre en jeu. Décharges électriques douces d’abord, et de plus en plus âpres, révélant une tension sous-jacente. C’est la marque de fabrique d’Aprile, telle qu’on l’avait déjà apprécié, singulièrement dans Pipeline 5.

Dans « crocus », c’est d’ailleurs lui qui engage les débats, avec une guitare aride qui s’allie à merveille à l’agressivité intrinsèque de Fratti, au jeu très anguleux. Le crocus est elle une plante hérissée d’épines ? Une succulente carnivore ? Toujours est-il que la clarinette basse est emprisonnée dans un piège plus électrique que biologique. La contrebasse tire les barreaux, la guitare les chauffe à blanc… Et pourtant tout ceci se joue avec une certaine douceur. Locatelli se débat, cherche la sortie mais ne convoque pas le tonnerre. Ce n’est pas policé pour autant, et les feux embrasés servent à resserrer les liens entre les musiciens… De la servitude consentie et diablement créative pour le label We Insist Records qui accueillait déjà le solo de Locatelli..

De fait, il y a une réelle connivence entre les membres. L’album est court, ou plus justement ramassé, trapu. C’est sur « tropus#1 », qui avance à pas de loup dans les traces de la basse, que cela s’exprime le plus fort, avec quelques éclats de la guitare et un discours serein de la clarinette qui vient accompagner une jolie mélancolie à l’archet de la contrebasse sur « trochus », avec une grâce certaine. Indubitablement, Flatus a des choses à dire. Et Pipeline ne tarit franchement pas d’élégance…

par Franpi Barriaux // Publié le 13 septembre 2020
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