Chronique

Roberto Ottaviano & Pinturas

A che punto è la notte

Roberto Ottaviano (ss), Nando di Modugno (g), Giorgio Vendola (b), Pippo D’Ambrosio (dms, perc)

Label / Distribution : Dodicilune

À quel moment est-ce la nuit ? Telle est la question que pose le saxophoniste Roberto Ottaviano avec un quartet qu’il n’avait pas rassemblé depuis près de quinze ans, où l’on retrouve notamment le guitariste Nando Di Mondugno qui donne à Pinturas sa couleur particulière. Beaucoup plus apaisée et moins intense que les récents travaux d’Ottaviano, de Astrolabio à son duo avec Alexander Hawkins, A che punto è la notte est l’occasion de découvrir une facette plus rare dans la carrière du saxophoniste, ancien compagnon de route de Steve Lacy [1]. Ainsi « You and the Night and the Words » est une ballade assez légère où la guitare serpente sur la rythmique très coltranienne assurée par le batteur Pippo d’Ambrosio et le contrebassiste Giorgio Vendola.
 
Le timbre d’Ottaviano a des semelles de vent : on le constate sur « Like Tears From The Sky » qui s’ouvre sur un solo de contrebasse très fluide, comme en suspens. C’est la guitare qui étend l’imaginaire du morceau, au cœur de l’archet de Vendola, mais c’est Ottaviano qui l’investit ; le temps est pluvieux, la lumière s’offre au crépuscule. La musique de Pinturas est un continuel entre-deux, un équilibre précaire d’où naît beaucoup de poésie, et une certaine tension que l’axe guitare-saxophone sait pertinemment entretenir. Sur « Hermes », composition de D’Ambrosio, batteur très coloriste, la guitare de Di Mondugno est un ornement bâtisseur, de ceux qui font songer à une esthétique puisée dans la musique ancienne, toujours très importante chez Ottaviano.
 
C’est la ballade qui est à l’honneur dans ce disque paru chez Dodicilune. « O Silencio das Estrelas », qui ouvre l’album, est une chanson de la Brésilienne Fatima Guedes. Il en est de même pour « Avalanche », qui clôt A che punto è la notte par un titre de Leonard Cohen. La pointe d’acidité qui caractérise les deux titres, doublée d’une grande chaleur, donne à ce disque une atmosphère particulière et assez légère, a priori à contrepied de ce que propose habituellement Roberto Ottaviano. Mais aux franges de la nuit, d’autres couleurs peuvent naître. C’est à celle-ci que cet album rend hommage, dans un clair-obscur des plus limpide.