Chronique

Schubert, Pilz, Scheib, Kugel

Live at FreeJazzSaar 2019

Frank Paul Schubert (as, ts), Michel Pilz (bcl), Stefan Scheib (b), Klaus Kugel (dm).

Label / Distribution : Nemu Records

Avec une formation proche de ce que nous avions pu entendre il y a quelques mois avec le Yamabiko Quintet, ce Live At FreeJazzSaar 2019 est l’occasion de saluer une nouvelle fois le travail brillant et pourtant méconnu que livre le saxophoniste allemand Frank Paul Schubert. Incarnation d’un free jazz brûlant qui s’inscrit dans une longue filiation allemande, Schubert est très à l’aise avec les tempéraments volcaniques, ainsi qu’on a pu l’entendre récemment dans le Unzeit Quartett avec Céline Voccia. Mais ce qui marque le jeu de Schubert, c’est un son ample, très chaleureux, qui aime la distance davantage que l’urgence, gérant temps forts et temps faibles en s’appuyant sur une base rythmique solide. Ici la batterie du fidèle Klaus Kugel, qui aime l’orage autant que la pluie fine, incarnée par un jeu de cymbale très subtil. Ce qui fait penser à Yamabiko ici, c’est la présence de la clarinette basse du regretté Michel Pilz, devenue consubstantielle de cette approche caniculaire qui aime le temps long ; tel ce « Where Is Charles Part 1 » de plus de 45 minutes, aux atours profondément coltraniens.

Enregistré live, cette musique de l’instant - pourrait-il en être autrement - a tout d’une mécanique faite de flux et de reflux, une marée inexorable principalement portée par la mitraille de Kugel qui sait s’adapter à la colère de ses soufflants. Leur connivence est la clé de la tension permanente du quartet : la relation entre Pilz et Kugel est puissante, tant au niveau de l’alliage de timbres que dans la gestion des rapports de force. Comme souvent dans ce genre d’orchestre, il y a aussi un facteur X, capable de renverser la tendance et l’intensité ; ici c’est le contrebassiste Stefan Scheib, qu’on sait très actif sur les scènes du Benelux et de l’est de la France. À de nombreux égards, il est le baromètre de cet orchestre, tant à l’archet où il va chercher les racines telluriques de son instrument qu’en pizzicati qui jouent avec le bois de son instrument. Résolument organique.

Paru sur le label Nemu Records qui diffuse largement le travail de ces musiciens, Live At FreeJazzSaar 2019 est un concentré de free jazz européen qui réchauffe et fait plaisir, sans volonté autre que de puiser dans l’énergie de l’instant. Il souligne aussi la programmation sans concession du festival de Sarrebruck qui, chaque mois de mars, défend ces musiciens.

par Franpi Barriaux // Publié le 19 janvier 2025
P.-S. :