Unzeit Quartett
Unzeit Quartett
Frank Paul Schubert (ts), Céline Voccia (p), Matthias Bauer (b), Joe Hertenstein (dm).
Label / Distribution : Trouble in The East
Comme dans un album précédent, Black Holes Are Hard To Find, la musique improvisée que propose, ici en quartet, Frank-Paul Schubert est marquée par l’urgence et une véritable cohésion avec ses compagnons. Avec Céline Voccia au piano, qui souligne encore une fois l’adhésion totale de la pianiste à la scène berlinoise, le saxophoniste n’a pas besoin de créer la tension pour la rendre patente. Dès « Unzeit », la pianiste est aux commandes d’une base rythmique gourmande et vindicative que son jeu très percussif illumine. Plus loin, au centre de « Mahlzeit », la connexion entre le piano et la batterie de Joe Hertenstein est au plus fort, acculant Schubert dans une magnifique surenchère.
On pense à un autre quartet de Schubert avec Uwe Oberg au clavier, tant il y a une filiation entre elle et lui, d’autant que la batterie est au diapason, frappant avec avidité sur les pièces de métal pour donner du relief à la course qui s’est lancée avec un saxophone insatiable. Pour fermer le quartet, c’est l’incontournable Matthias Bauer qui s’impose, lui qui était aux côtés d’Oberg dans un quartet récent. Dans « Freizeit » diablement libre, ses pizzicati se mesurent au jeu nerveux de Schubert, vite rejoint par une batterie pétulante. On avait entendu Joe Hertenstein avec Sana Nagano ; ici, dans un registre résolument différent, il donne pleinement satisfaction. Le jeu instinctif et turbulent de Voccia n’est pas en reste : elle sait aussi le rendre parfaitement concertant, comme pour mieux animer un dispositif de tension (« Mahlzeit »). Céline Voccia irradie cet album paru chez Trouble in The East, n’hésitant pas à laisser libre cours à un tropisme contemporain, les mains dans les entrailles du piano (« Steinzeit », la pièce où l’improvisation est la plus abstraite).
Il est question de temps dans ce disque délicieusement free de Frank-Paul Schubert. Unzeit Quartett est volontairement hors du temps, trop rapide pour être définitivement capté ou emprisonné dans une image. De ce quartet de fortes têtes, on aime le temps libre (« Freizeit ») comme le temps mort (« Auszeit ») avec équanimité. Le temps mort, beau dialogue entre Schubert et Bauer à l’archet, sur un fond de ballade qui prend le temps de bouillir à petit feu, est d’ailleurs la fin en feu d’artifice d’un disque très consistant.