Chronique

Rob Mazurek Quartet

Color Systems

Rob Mazurek (tp, voc), Tomeka Reid (cello), Angelica Sanchez (p), Chad Taylor (d)

Label / Distribution : Rogue Art

Est-ce qu’un orchestre sans électricité offre à Rob Mazurek les mêmes échappatoires cosmiques que son Exploding Star Orchestra ? C’est une question à laquelle répond très vite Color Systems, son nouvel album. Le Rob Mazurek Quartet a totalement fait peau neuve par rapport à Father’s Wing, paru en 2022 déjà chez RogueArt : exit la contrebasse de Ingebrigt Håker Flaten, remplacée par le violoncelle de Tomeka Reid. Quant à Kris Davis, elle est remplacée par Angelica Sanchez ; une façon d’envisager un orchestre plus resserré où violoncelle et trompette peuvent parfois se confondre sur les lignes brisées d’un piano très concerné par les tâches rythmiques aux côtés d’un Chad Taylor resté en place, lui qui a une relation télépathique avec le trompettiste.

Alors répondons à la question : moins cosmique ? Certainement pas. La mécanique en route sur « Four Page Color System for Frank Bowling », qui commence par le cri de Mazurek sur l’archet nerveux de Reid, est l’exemple même du voyage des sens, entre les pulsations de la batterie et les circonvolutions d’un violoncelle très polyvalent. C’est Tomeka Reid qui est garante des mouvements du quartet, avec un piano bâtisseur. Lorsque se forme un tourbillon autour de Mazurek, ce sont les deux musiciennes qui sont à la manœuvre, avec un propos très dense. Si les couleurs sont au centre de la réflexion du quartet, celles-ci sont fort chaleureuses ; sans être totalement bannies, les couleurs froides sont des ombrages.

Chacun des morceaux de ce Color Systems est dédié à un peintre abstrait, souvent proche du mouvement de l’expressionnisme abstrait, caractérisé par l’importance des couleurs et des formes. Il faut prendre alors cette musique comme autant de lectures des tableaux, autant d’impressions jetées dans l’improvisation. Le lien est fort entre les musiciens, ce qui produit une sensation de géométrie folle et imprévisible mais toujours cohérente, souvent tirée au cordeau par le piano de Sanchez, impressionnant de bout en bout. C’est une belle rencontre que nous propose RogueArt, assez éloignée des récentes sorties de Rob Mazurek mais toujours aussi profonde.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 mai 2025
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