Chronique

Shannon Barnett

Wolves And Mirrors

Shanon Barnett (tb, voc), Heidi Bayer (tp), Elisabeth Coudoux (cello), Thomas Sauerborn (dms)

Label / Distribution : Klang Galerie

C’est l’histoire d’une tromboniste australienne installée en Allemagne. Enfin, ce n’est pas vraiment son histoire à elle ; davantage l’histoire qu’elle raconte. Les histoires plutôt, car dans Wolves and Mirrors, il y en a plusieurs, et tant pis si elles s’entremêlent : elles sont pleines de poésie et c’est le principal. Shannon Barnett est cette tromboniste, particulièrement fine : avec le beau « Well », elle joue toutes sortes de reliefs et d’échos avec la trompettiste Heidi Bayer, repérée au dernier Jazzahead, et la violoncelliste Elisabeth Coudoux, trois musiciennes au timbre proche des voix. Lorsqu’elle se retrouve seule face au batteur Thomas Sauerborn qui clôt ce quartet, on peut apprécier son jeu fluide, comme une voix, là encore. Ce qui tombe bien, puisque Barnett chante, et à merveille.

C’est bien ce qui fait toute l’originalité et le charme de ce quartet et de cet album. La tromboniste avait déjà fait parler d’elle, notamment en Big-Band, tant en Australie (Australian Art Orchestra) que de l’autre côté du Rhin où on l’entend dans le prestigieux HR Big Band de Francfort. La musique qui se joue ici, et qui prend corps dans le beau « Overseas », est beaucoup plus intime, ramassée, susurrée, avec des textes d’une grand poésie où l’étrangeté s’invite volontiers, à l’image de « Martyr » qui représente le centre de l’album et une forme de concentré du propos. Les deux soufflantes sont en homophonie, d’abord, comme un double, un miroir qui se casse avec douceur, ou plutôt qui s’effrite comme du sable. La voix est pleine, très pop, assez marquée par l’influence de certains totems du siècle dernier, de Portishead à Morcheeba… Mais en conservant cet instrumentarium si particulier, très coloré, où les dissonances mettent en avant la pureté de la voix.

Shannon Barnett nous raconte donc une histoire et l’on se prend à la suivre avec grand intérêt, notamment lorsqu’elle reprend son trombone et souligne son propos précédent. On pourrait songer, de la pochette à certains choix esthétiques, que l’ensemble de Wolves and Mirrors est sombre et fiévreux. C’est plutôt assez enfantin, comme quand on cherche à se faire peur. Au contraire, il faut compter sur la chaleur de Bayer à la trompette et la palette de couleurs de Barnett (« Song for Caroline ») pour donner à cet album une teinte tout à fait différente. Étonnant et plaisant.

par Franpi Barriaux // Publié le 27 juin 2021
P.-S. :