Chronique

Simon Nabatov

Extensions

Simon Nabatov (p), Sebastian Gille (ts, ss), Shannon Barnett (tb), David Helm, Reza Askari (b), Mariá Portugal (dms).

Label / Distribution : Unbroken Sounds

Installé à Cologne de nombreuses années, le pianiste d’origine russe Simon Nabatov a toujours eu goût pour les orchestres où le trombone est central. Compagnon de longue date de Nils Wogram, il propose avec Extensions un échange avec la talentueuse Shannon Barnett, australienne installée elle aussi en Allemagne. Dès les premières secondes d’« Extension 1 », on peut apprécier le jeu simple et direct de la tromboniste qui se faufile entre les deux contrebasses de l’orchestre, Reza Askari et David Helm [1]. Il faut attendre que le piano tortueux de Nabatov entre en jeu, avec cette puissante main droite caractéristique, pour que le jeu s’emballe, appuyé par le ténor de Sebastian Gille. La tension attisée par les deux contrebasses est alors contrebalancée par la douceur du trombone qui arrondit les angles, comme une vague modèlerait un galet.

Conçu pour des improvisations sur le temps long, le sextet réuni par Nabatov doit également beaucoup à sa batteuse, la remarquable Mariá Portugal. On l’avait déjà entendue dans un trio avec le vétéran Jasper Van’t Hof, mais la Brésilienne est ici le véritable régulateur des improvisations, densifiant la confrontation lorsque c’est nécessaire, ajoutant sa puissance aux frappes rageuses de Nabatov dans « Extension 1 » ou au contraire rassemblant dans le métal de ses cymbales toutes les brisures emportées par le saxophone sur « Extension 2 ». Portugal et Nabatov vont toujours dans la même direction, parfois à rebours d’un orchestre très encadré par les contrebasses. C’est pour mieux sonner la révolte : lorsque les soufflants renversent la table, Barnett en avant-poste du chaos, la batterie attise le feu avec gourmandise.

C’est un bel orchestre que réunit Nabatov sur le label Unbroken Sound du contrebassiste Max Johnson. Après avoir joué avec lui en trio, le pianiste propose avec Extensions un bel exemple de musique libre et farouche qui ne fuit pas la nuance, servie par des musiciens du monde entier réunis par l’improvisation, formidable langage véhiculaire.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 mars 2024
P.-S. :

[1Entendu en duo avec Jozef Dumoulin (No Eyed Deer) et également présent dans le quartet de Barnett.