Chronique

Stéphane Belmondo - Sylvain Luc

2.0

Stéphane Belmondo (tp, bugle, acc), Sylvain Luc (g)

Label / Distribution : Naive

Il est des disques qu’on écoute avec ravissement. Il faut entendre par là ce plaisir singulier qui nous donne l’illusion d’être aux côtés des musiciens, tout près d’eux, comme s’ils étaient entrés dans notre salon pour jouer leur musique. 2.0 est de ceux-là, on ne saurait y voir un hasard. Car la complicité qui unit Sylvain Luc et Stéphane Belmondo est le fruit d’une amitié de longue date. Si tous deux ont emprunté des chemins différents depuis leur première rencontre discographique en 1999 avec l’album Ameskeri, la certitude était là : ils finiraient bien par se retrouver pour unir à nouveau leurs deux voix. Il aura fallu un quintet formé par le guitariste, dont Belmondo était membre, pour que tous deux savourent à nouveau le plaisir d’être ensemble. Le duo refaisait surface.

Le titre 2.0 traduit les deux décennies qui séparent ces albums tout autant que la transformation radicale de notre monde au cours d’une période qui aura connu, entre autres innovations invasives, l’avènement du smartphone. Un bouleversement numérique qui ne paraît pas affecter le moins du monde la musique proposée en quatorze compositions dont trois (« 2.0 », « 2.1 » et « 2.2 ») émanent d’improvisations, marqueurs essentiels de ce qu’on nomme la « musique de jazz ». Et si Sylvain Luc joue cette fois de la guitare électrique à plusieurs reprises, 2.0 sonne au premier chef comme un album acoustique, l’épure n’étant pas la moindre de ses qualités. On peut penser que celle-ci se présente comme une réponse à l’excès de technologie encombrant nos vies et à notre dépendance à l’égard d’un flux d’informations face auquel il est impératif de demeurer vigilant. En refusant cette « modernité » de façade, Stéphane Belmondo et Sylvain Luc vont à l’essentiel : priorité à la mélodie, à l’écoute mutuelle et à un dialogue qui vibre de toute la complicité entre les deux musiciens ; priorité à la vraie vie entre humains bien réels. Nul besoin de rappeler ici la qualité de l’interprétation : Belmondo et Luc n’ont plus rien à prouver, si ce n’est un désir de musique intact, plus que jamais. 2.0 reflète avec beaucoup de fluidité leur amour de toujours.

Il faut mentionner deux reprises : celle de « Ribbon In The Sky », d’un certain Stevie Wonder (n’oublions pas qu’en d’autres temps, Stéphane Belmondo avait célébré la musique de ce dernier dans un album intitulé Wonderland) et de « Mort d’un pourri ». Là, c’est le cinéma – en l’occurrence celui de Georges Lautner – qui est mis à l’honneur à travers la musique de Philippe Sarde ; mais aussi Marcel Azzola, mort au moment où le duo était en studio. D’où le choix du trompettiste de retrouver son premier instrument : l’accordéon ! Une curiosité qui ne fait qu’ajouter au ravissement dont il était question en introduction de cette chronique.