Chronique

Tomasz Stańko Quartet

September Night

Tomasz Stańko (tp), Marcin Wasilewski (p), Slawomir Kurkiewicz (b), Michal Miskiewicz (dm).

Label / Distribution : ECM

Vingt ans ont passé depuis ce concert de Tomasz Stańko enregistré en direct à la Muffathalle de Munich et si le label ECM a d’autres pépites du même acabit dans ses archives, qu’il n’hésite surtout pas à les publier. La Pologne a une longue histoire passionnelle avec le jazz et les musiques improvisées, le rideau de fer n’a pas empêché les musicien·nes et le public averti de s’impliquer ardemment dans des concerts clandestins. Au début des années soixante, le jeune Tomasz Stańko commence à affirmer sa personnalité aux côtés du pianiste Adam Makowicz puis au sein du quintette de Krzysztof Komeda, figure de proue du jazz avant-gardiste polonais. C’est l’album Balladyna, enregistré avec Tomasz Szukalski, Dave Holland et Edward Vesala, qui va lancer la carrière internationale du trompettiste en 1976.

September Night succède à Suspended Night, enregistré en 2003, et où la délicate composition « Song For Sarah » apparaissait déjà. Le piano de Marcin Wasilewski sublime cette mélodie habitée par une forme de néo-romantisme, non loin des complaintes de Keith Jarrett. « Euforila » se pare d’un cadencement opportun, Slawomir Kurkiewicz étale ses notes profondes à la contrebasse qui deviennent un tremplin pour le lyrisme incisif de Tomasz Stańko. La frappe dynamique de Michal Miskiewicz mélange swing et articulations abstraites, il s’affirme comme un batteur toujours à l’écoute de ses partenaires musicaux.

Quel plaisir de retrouver « Celina », composition poétique de Tomasz Stańko parue en 1995 sur son album Matka Joanna et où s’illustraient Bobo Stenson, Anders Jormin et Tony Oxley ! Les improvisations atteignent un sommet de raffinement. La liberté d’improviser se déplace dans des errances surprenantes et toujours habitées par la grâce comme « Kaetano » qui atteint un degré de perfection saisissant. Marcin Wasilewski dissémine ses influences classiques en digne héritier de Frédéric Chopin, qui avait bouleversé la technique moderne du piano. Son intervention soliste sur « Elegant Piece » demeure un des joyaux de l’album.

La carrière de Tomasz Stańko fut fertile en rencontres musicales, lui qui passait aisément des débordements du Globe Unity Orchestra d’Alexander von Schlippenbach aux raffinements mélodiques des nombreux albums parus sous son nom. Décédé le 29 juillet 2018 à Varsovie, il restera un compositeur exigeant tout autant qu’un trompettiste bouleversant. Avec September Night, il nous transporte impassiblement dans son univers musical teinté de mélancolie.