Umlaut
Vol. 2
Emmanuel Scarpa (dm, TR 505), Fred Poncet (g), Fred Escoffier (cla)
La rencontre entre Emmanuel Scarpa, batteur et leader d’Umlaut, avec le guitariste Marc Ducret semblait inévitable tant leur musique s’inspire des mêmes obsessions rythmiques aux fêlures électriques. C’est dans ce sens que l’un et l’autre travaille depuis des années, en collaboration avec le claviériste Antonin Rayon, et telle est la couleur de cet album surprenant qui joue sur les paradoxes du miroir.
Nourri de rock et d’un jazz à fleur de peau, découvert dans des groupes comme Thôt ou Radiation 10, Scarpa développe avec Umlaut une musique ondoyante qui se rapproche de la vogue actuelle des formations dites « power trios ». [1] Le nom du groupe, accent double renvoyant aussi bien à la distorsion du son que de la réalité, reflète le propos de l’album. L’ensemble de des compositions est empreint de ce changement de timbres, de cette inflexion du sens même qui donne corps et puissance à la musique. Une musique où le rythme est central, où la lourde et bâtisseuse batterie de Scarpa joue le rôle du miroir, entité concave ou convexe qui renvoie la lumière sur ses complices, miroir chaud et brûlant, sans fard mais non sans tain, et joue plus volontiers les passeurs vers un fiévreux wonderland.
De part et d’autre du batteur, le guitariste Fred Poncet et le claviériste Fred Escoffier entremêlent des sonorités métalliques, grinçantes et acides qui portent le groupe à l’échauffement sur les compositions particulièrement érudites de Scarpa. « Rollmops-Cacao » est un modèle du genre dans cette volonté de rompre avec les codes et les sonorités, d’alterner riffs dévastateurs et nappes contemplatives, décomposition harmonique et rythmique cabossée.
Tout au long de l’album, la musique de Looking Glass porte en elle une métaphonie subtile, sa part de symétrie et d’étrangeté, son potentiel onirique et sa crue réalité. C’est la rythmique, bien évidemment centrale, qui fait office de passerelle pour les éthers électriques qui s’y succèdent, s’y mélangent et s’y confondent. Escoffier et Poncet s’intervertissent et se travestissent dans les effets et les altérations qui finissent par les confondre. Les « hétéromorphes », dit un des meilleurs morceaux de l’album ; il n’y a pas de mot plus exact pour définir le travail de ces comparses. Mais c’est sur la pièce centrale - encore - en deux parties « Through the Looking Glass » que le propos est le plus efficace ; le duo plus batterie s’adjoint deux alter egos, Marc Ducret himself et Antonin Rayon [2], qui ajoute plus encore d’ambivalence et d’étrange à un projet abouti et très réussi.