Chronique

Clément Janinet

O.U.R.S. (Ornette Under Repetitive Skies)

Clément Janinet (vln), Hugues Mayot (as ; bcl), Joachim Florent (b), Joachim Florent (b), Emmanuel Scarpa (dms) + Gilles Coronado (g), Mario Boisseau (cello)

L’Ours est un animal menacé, chassé, critiqué par les exploitants et réduit à son état de bête sauvage, faisant montre de douceur dans sa puissance et d’élégance agile malgré son allure pataude. L’Ours a donc pas mal de points communs avec le musicien improvisateur. Le violoniste Clément Janinet y a-t-il songé lorsqu’il a monté ce quartet avec de vieux camarades de jeu comme le contrebassiste Joachim Florent ou le multianchiste Hugues Mayot  ? Non, à l’évidence !

Pourtant les deux parties de « Crions » qui ouvrent l’album sont des modèles du genre, mélangeant force de frappe et mouvements incessants mis en relief par la guitare de Gilles Coronado, invité presque naturel tant son jeu nerveux trouve sa place dans un ensemble marqué par des années passées au sein de Radiation 10. Emmanuel Scarpa, étourdissant à la batterie quand il s’agit sur « Momie » de canaliser les flux du violon et de la contrebasse dans des réminiscences d’Organic Anatomy, est le dernier membre du quartet à avoir animé le grand ensemble. La mécanique parfaite de « Ciel », avec un violon pointilleux dans son positionnement et sa gestion des phrases répétitives. Cette attention rappellera qu’on l’avait apprécié dans le Beaux Arts de Sylvain Rifflet. Le violoniste est accompagné, notamment sur « Fy », par le violoncelliste Mario Boisseau qui complète un jeu de timbres très précieux.

L’O.U.R.S de Janinet n’est pas franchement un plantigrade. C’est l’acronyme de Ornette Under Repetitive Skies, soit la double indication d’une rencontre revendiquée entre le Free Jazz et l’avant-garde de la musique écrite contemporaine et un clin d’œil au célèbre Skies of America de Coleman, symbole d’un certain mélange des univers. Un titre comme « Cassiopée », que Mayot anime à la clarinette basse, est le parfait exemple d’une volonté de rester non aligné. Lorsque Janinet se charge de faire tournoyer à l’envi des phrases répétées, Scarpa et Florent jouent les dévastateurs avec une force tellurique (« Momie »). O.U.R.S se plaît dans cet intéressant entre-deux qui penche pour l’une et l’autre des influences sans jamais choisir son camp, comme beaucoup d’entre nous. Et si c’était ça, finalement, la signification profonde de ce nom ? Comme dirait - presque - Ornette, This is Our(s) Music.

par Franpi Barriaux // Publié le 20 mai 2018
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