Scènes

Courtois, Courvoisier, Eskelin - Chansons pour un 7ème Art

Le 7 mai 2009 à la Dynamo de banlieues Bleues (Pantin). Du violoncelle, des chansons, de l’improvisation et bien d’autres choses encore.


Trois moments et deux parties pour ce concert copieux réunissant improvisations, chansons, violoncelle et cinéma : une multitude d’approches et beaucoup de liberté.

Vincent Courtois aime les métissages et les projets touche-à-tout : ce concert est donc en deux parties et trois moments. Dans la première, il interprète deux compositions pour le cinéma. Ce sont des pièces pour six violoncelles et un violon : il s’est donc entouré pour ce projet de six élèves du conservatoire d’Aubervilliers intéressés par l’improvisation et le jazz. Et la fine équipe de nous présenter le travail accompli sur sa partition (qu’il a enregistrée seul pour le film). On retrouve la patte du Courtois lyrique : une partition qui hésite entre musique de chambre et couleurs plus symphoniques, lorsque les instruments se superposent à l’unisson, avant de se désolidariser progressivement. John Greaves vient poser alors ses feulements de fauve calme, murmurant en anglais des paroles sibyllines.

V. Courtois © J. Knaepen/Vues sur Scènes

Le second moment de cette première partie est lui aussi très attendu : un trio violoncelle, piano, saxophone ténor avec Sylvie Courvoisier et Ellery Eskelin. Ils jouent, une petite heure durant, une longue pièce improvisée dont les accents rappellent leur récent enregistrement chez CamJazz, As Soon as Possible. Courvoisier, dont le jeu inventif émerveille toujours autant, fait papillonner ses doigts sur le clavier entre graves et aigus, se lève brusquement pour pincer les cordes dans l’instrument ou les frapper avec des mailloches. Son jeu est physique autant qu’abstrait, il sonne contemporain autant qu’improvisé et jazz. A ses côtés, Courtois, concentré, se livre à un travail d’étirement des notes et de distorsion du temps musical tandis qu’Eskelin, très calme, parsème la musique de phrases courtes, un peu détimbrées, apaisées. Une pièce captivante où le plaisir de l’harmonie s’allie sans crier gare aux joies de la dissonance.

S. Courvoisier © Patrick Audoux / Vues sur Scènes

Pour la deuxième partie, le trio est rejoint par John Greaves, Guillaume Dommartin à la batterie et Olivier Sens à la contrebasse. Le programme est moins savant mais ne se révèle pas moins passionnant : les chansons Greaves & Courtois esquissent une parodie de comédie romantique, mais les morceaux ne sont pas tous chantés. Les musiciens entrent et sortent — on est face à une formation souple, mobile, tour à tour trio piano/basse/batterie ou saxophone/basse/batterie… Les six interprètes prennent un malin plaisir à essayer toutes les formules possibles. Et les voilà qui entonnent un standard, « Let’s Fall in Love », sur lequel chacun s’échauffe. Une fois le groupe rodé, Dommartin lâche la bride de son jeu élégant pour se lancer dans des passes musclées, suivi par le groove retenu d’Olivier Sens. Le point fort de ce groupe, c’est manifestement la liberté réciproque : Eskelin prend un chorus qui rompt avec les options de jeu collectif pour mieux y revenir, Courvoisier fait de rapides incursions dans le domaine contemporain avant de revenir aux standards et chansons. En définitive, trois moments bien distincts de musique composée ou improvisée, avec violoncelle le plus souvent, et toujours captivants.

E. Eskelin © H. Collon/Vues sur Scènes