Sur la platine

Vincent Mahey l’explorateur

Vincent Mahey, bâtisseur d’univers pour PeeWee !


Vincent Mahey © Vincent Mahey

Le pluralisme culturel captive Vincent Mahey, bâtisseur d’univers peuplés d’images et de sons. Rencontrer Vincent Mahey permet d’avoir un regard neuf sur les multimédias. L’occasion est venue de mesurer l’étendue de son labeur qu’il inscrit dans un vaste catalogue dédié aux musicien·ne·s d’aujourd’hui.

PeeWee ! Records bénéficie d’une longue histoire découpée en plusieurs épisodes depuis la fin du vingtième siècle. Le jazz et la World Music y ont toujours fait bon ménage en privilégiant une ligne éditoriale soignée. La renaissance récente du label s’est réalisée avec le partage assumé de la direction artistique entre Vincent Mahey et Simon Goubert. De Phil Reptil à African Jazz Roots, l’éclectisme reste l’un des moteurs de ce label qui privilégie la notion temporelle nécessaire à l’édition d’albums aboutis. Vincent Mahey a parcouru du chemin depuis ses premiers postes d’assistant aux studios Mad Hatter de Chick Corea et Clover Recording de Bruce Springsteen durant sa jeunesse. Le partage de son temps professionnel entre la scène et le disque attestent de sa curiosité intacte.

Vincent Mahey © Jean-Baptiste Millot

« Le label PeeWee ! a eu une première vie de 1995 à 2000, avant une panne de secteur pendant 20 ans. Ce sont Simon et Virginie Crouail, notre partenaire dans ce projet, qui ont permis cette nouvelle aventure. Tous deux ont su me convaincre de reprendre ce projet éditorial, c’était le bon moment de nous réinvestir dans un projet global ».
Le partage des responsabilités avec un musicien convient parfaitement à la démarche de Vincent Mahey. « Simon est un chercheur, il a un ancrage fort et il essaie en permanence d’innover. Nous sommes dans la même famille, celle des musiques improvisées et nous nous connaissons depuis des décennies. La renaissance discographique de PeeWee ! a pris corps avec un album solo de Sophia Domancich qui s’est construit tranquillement. La manière dont nous voulons faire les choses se réalise par ce que l’on a envie de faire, c’est essentiel ».

L’accompagnement des artistes et la notion d’écoute sont une des marques de fabrique de PeeWee !. L’atmosphère engendrée par les musicien·ne·s transparaît désormais dans les vidéos éditées avec régularité, ce qui forge une identité particulière au label.
Sur une soixantaine de vidéos tournées à ce jour, une trentaine font partie de la série Pause, fruit d’un travail méthodique.

Le but est d’inviter des personnalités qu’on aime et de réaliser en leur compagnie des choses inédites qu’elles ne font pas habituellement.

« La construction et l’élaboration de Pause se font par des films réalisés chaque mois désormais. Le projet du duo de Simon et de Sophia était inspiré par les films de David Lynch. On a filmé naturellement et avec ces deux solos et un duo, cela a formé une belle trilogie. Toutes ces constructions filmiques sont détaillées, on prend du temps pour laisser ces traces scéniques ». John Greaves inspiré par Verlaine et Apollinaire apparaît récemment dans cette série aux côtés de Mirabelle Gilis et de Laurent Valero. Les percussionnistes Keyvan et Bijan Chemirani sont eux aussi au programme de la série Pause tout comme Géraldine Laurent, Serge Teyssot-Gay en duo avec François Corneloup, Claude Tchamitchian, le clarinettiste Yom.
« Les films se succèdent allègrement. Le but est d’inviter des personnalités qu’on aime et de réaliser avec elles des choses inédites qu’elles ne font pas habituellement. On est toujours face à des séances improvisées ».

L’année 2024 s’annonce sous les meilleurs auspices avec de nombreuses réalisations d’albums dans le studio Sextan, dont celui de Gautier Garrigue qui enregistre pour la première fois en leader sous l’œil attentif d’Henri Texier. « J’ai eu une grande révélation en découvrant le pianiste Giorgi Mikadze qui vient de Géorgie, cela m’a fait le même choc qu’avec Tigran Hamasyan ou Brad Mehldau lorsque je les avait enregistrés. Ce jeune pianiste de Tbilissi aborde l’American Song Book en y mêlant ses influences des musiques géorgiennes, il se confronte pour la première fois à la classique formule du trio avec François Moutin à la contrebasse et Raphaël Pannier à la batterie. L’album sort le 26 janvier et deux concerts se dérouleront au Duc des Lombards.

Le groupe belge Octurn for,t de ses trente ans va sortir son quatorzième album, Bo van der Werf y a élaboré un programme très original autour du compositeur hongrois Sándor Veress. Il a intercalé un trio à cordes dans ses compositions ce qui ouvre à de nouvelles perspectives.

« PeeWee ! ne s’intéresse pas à un style ou à une esthétique particulière, tous ces artistes répondent à des exigences objectives de qualité et ils ont pour nous une voix singulière ».

Vincent Mahey et Stanley Clarke © Vincent Mahey

Quant à l’album en trio du vétéran Monty Alexander, il célébrera le 80e anniversaire du D-Day qui coïncide avec la naissance du pianiste le 6 juin 1944. La mise en forme de compositions musicales écrites pendant la période de la guerre ainsi que des originaux dont un « D-Day (Just Wait) » composé par Monty Alexander s’unissent dans ce disque à paraitre en mars 2024. Cette attention particulière dédiée à une période cruciale de l’histoire va de pair avec la philosophie de Vincent Mahey pour qui le temps est primordial afin de mener à bien des projets.