Chronique

Les Incendiaires

À l’Ouest

Olivier Bost (tb, perc), Guillaume Grenard (tp, perc), Eric Vagnon (s, perc)

Label / Distribution : ARFI

Il y a dans la musique proposée par l’ARFI un lien structurel, pour ne pas dire organique, avec l’image en général et la musique de films en particulier. Pionniers des ciné-concerts à la même époque qu’Un Drame Musical Instantané, les Lyonnais ont creusé ce sillon, comme en témoigne notamment leur récent travail autour de Romero. Dans le vénérable collectif, Guillaume Grenard et le trio Les Incendiaires sont parmi les plus fous de cinéma. Le trompettiste s’est manifesté avec Nosferatu ; quant à ses camarades Éric Vagnon aux saxophones et Olivier Bost au trombone, ils ont participé à de nombreuses relectures de films, et le précédent album du trio il y a neuf ans avait déjà de nombreuses connexions avec le cinéma.

Avec À l’Ouest, les Incendiaires s’attaquent au monument Morricone. Monstre du cinéma, auteur de gimmicks musicaux universels, apôtre de la simplicité orchestrale qui masque un sens de l’harmonie et de la phrase assez inédit, c’est par le western d’abord que le trio aborde ses partitions. Que faire d’autre ? Du célèbre « Le Bon, la brute et le truand » à « Il était une fois dans l’Ouest », la musique de Morricone est liée à Sergio Leone et Clint Eastwood. Malins, les Incendiaires jouent avec cette familiarité, avec les scies chantonnées dans tous les jeux d’enfants pour jouer eux-mêmes, en gamins turbulents. Sur « Mon nom est personne » arrangé par Bost, le trombone s’amuse avec un thème découpé par le baryton de Vagnon qui va se perdre du côté de Wagner. La force des Incendiaires, c’est de ne pas reproduire stricto sensu la musique des films, mais au contraire de batifoler, de conserver l’essence pour mieux s’approprier les images et faire eux-mêmes leur propre montage sur un temps long. Les musiciens du trio ne jouent d’ailleurs pas uniquement de leurs instruments de prédilection mais peuvent également se saisir de percussions et autres jouets. « Il était une fois en Amérique », avec ses pieds bien plantés dans un swing de travers, est à l’image de ce travail.

Alors, est-ce que le trio Les Incendiaires a inventé le Western Ravioles [1] ? C’est vrai que la poussière qui vole et les cavalcades de « Il était une fois dans l’Ouest » sous un soleil de plomb évoquent les duels caniculaires de la Cinecittà. Mais au-delà de ça, c’est un hommage vibrant au cinéma populaire qui est mis en avant avec brio.

par Franpi Barriaux // Publié le 15 juin 2025
P.-S. :

[1Puisqu’il est entendu que dans le Dauphiné les spaghettis sont remplacés par des mini-timbres fourrés à la Vache qui rit, ce qui a inspiré Olivier Bost dans sa chevauchée de « Mon nom est personne », NDLR.