Chronique

Alexis Avakian

Digging Chami

Alexis Avakian (ts), Ludovic Allainmat (p), Mauro Gargano (b), Fabrice Moreau (dms), Romain Pilon (g, 2, 6), Zadig Panossian (perc, 3, 8), Artyom Minassian (doudouk, 3, 8)

Label / Distribution : Paris Jazz Underground

C’est à Marseille que le saxophoniste Alexis Avakian a grandi. C’est aussi là qu’il a obtenu un premier prix de jazz au conservatoire il y a plus de 10 ans, avant de rejoindre Paris et le collectif Paris Jazz Underground. Le label du même nom publie aujourd’hui son premier disque en quartet, où l’on retrouve l’élégante et habile paire Fabrice Moreau / Mauro Gargano. Tous deux sont habitués à tisser ensemble des trames colorées où leur comparses déposent leurs histoires. Ici, au ténor franc et massif d’Avakian s’ajoute le piano grêle de Ludovic Allainmat, qui accompagne plus volontiers les envolées lyriques du saxophoniste qu’il ne se préoccupe d’une rythmique déjà suffisamment solide.

Marseille, c’est aussi la ville-monde où se croisent de nombreux déracinés dans un bouillonnant échange culturel. Petit-fils d’immigrés arméniens ayant fui le génocide turc, Avakian recherche dans cet album non pas un retour aux sources, mais un moyen de donner une profondeur plus personnelles à son jazz marqué par un certain classicisme. Il invite donc, sur le magnifique « Digging Chami », deux Arméniens, le percussionniste Artyom Minassian et le joueur de doudouk Zadig Panossian ; mêlé au piano, le timbre caressant de cet instrument à vent traditionnel suscite une nostalgie non dénuée de gaieté, légère comme une ronde d’enfant.

Le ténor conserve quelques sédiments de Caucase sur « For Francis », tandis que Gargano construit à l’archet une atmosphère chimérique. Ce contrebassiste éclaire d’ailleurs tout le disque de son talent ; en témoigne, au cœur de « Zeff », une échappée belle mettant en valeur l’écriture d’Avakian. Celui-ci signe tous les morceaux hormis le standard « Spring Is Here », où l’on retrouve les deux Arméniens. « Chami » était le diminutif du prénom de sa grand-mère, Chamiram. Digging Chami est donc un jeu de mot bilingue entre affinités (en anglais, digging) envers une identité propre qui se révélerait avec beaucoup de poésie, et de l’arménien diggin qui signifie « madame ». La figure de cette aïeule ayant fui la dureté de l’Histoire plane sur ce premier disque très bien construit.