Chronique

Ichiro Onoe

Miyabi

Geoffrey Secco (ts), Ludovic Allainmat (p), Mátyás Szandai (b), Ichiro Onoe (dms).

Label / Distribution : Promise Land

Lors de la parution de Wind Child en 2015, nous avions souligné tant la ferveur que la sensibilité mélodique d’Ichiro Onoe, batteur certes japonais mais installé en France depuis de longues années au point de devenir un sideman précieux de la scène jazz hexagonale. Trois ans plus tard, le voici qui revient avec Miyabi (qu’on traduira par raffinement ou élégance), entouré des mêmes, soit une équipe d’une solidité à toute épreuve, prête à l’assister dans sa quête d’une musique aux influences croisées. Car si quelques maîtres du jazz sont présents dans son inspiration (Onoe aime citer Coltrane, Mingus ou Bob Mintzer), ses racines japonaises sont très présentes au cœur d’un processus créatif qui l’a amené cette fois à arranger des thèmes à l’origine composés pour des instruments traditionnels. En témoigne la partie centrale de « Despite All », commencé à la façon d’un hymne scandé par le saxophone (on pense un peu à Gato Barbieri à l’époque de « Bolivia ») pour laisser la place au martèlement des fûts puis au feu des cymbales, dans une célébration qu’on qualifiera volontiers de théâtrale. Mystère et grandeur.

Mais avec Geoffrey Secco (saxophone ténor), Ludovic Allainmat (piano) et Mátyás Szandai (contrebasse), c’est surtout la capacité d’Ichiro Onoe à mettre le jazz dans tous ses états, au moyen d’une grande gamme de nuances percussives, qu’il faut souligner. On se réjouira aussi bien du swing persistant de « No Regret » ou de « Uphold My Way » que de la puissance joyeuse de « Life Pulse », ou encore de « Find Her Ring », dont le thème n’échappe pas à l’influence Mingus et déboule à grande vitesse, dans une course-poursuite haletante. Et puis vient « Miyabi », la longue composition ayant donné son titre au disque, sans nul doute le plus beau moment de l’album, le plus riche aussi. Ichiro Onoe fait d’abord merveille en sculptant le rythme de ses balais obstinés, presque métronomiques, soulevés par la contrebasse de l’impeccable Mátyás Szandai (dont l’intervention quelques minutes plus tard sera magistrale d’autorité). On imagine le sourire qui illumine le visage du batteur et on comprend alors le sens de cette pulsion vitale qu’il ne cesse de revendiquer. C’est par ailleurs un tapis rouge déroulé pour le saxophone de Geoffrey Secco, qui s’expose en pleine lumière. Les quatre musiciens partiront ensuite dans une quête à la tonalité beaucoup plus free avant de se réunir, plus solaires que jamais, dans un final de toute beauté.

Oui, c’est bien d’élégance qu’il faut parler au sujet de Miyabi le bien nommé, c’est une alliance de force et de discrétion qui est à l’œuvre dans ce disque dont tout porte à croire qu’il y souffle un vent qui est celui de la vie. Et puis, redisons-le, une fois encore : Ichiro Onoe est un magnifique batteur, tout simplement.