Chronique

Anaïs Drago

Solitudo

Anaïs Drago (vln)

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Le public français aura l’occasion d’assister à un concert d’Anaïs Drago d’ici 2024 lors de la présentation de Terre Ballerine, son nouveau projet. Solitudo nous offre l’occasion de découvrir cette jeune violoniste inclassable. Lauréate du référendum Top Jazz 2022 organisé par la revue Musica Jazz, Anaïs Drago écume les distinctions et les festivals de jazz où son éclectisme est salué. Avec cet album réalisé en solitaire, elle se concentre sur son expérience et ouvre de nouvelles voies pour l’avenir.

Les douze compositions et les trois improvisations impromptues de Solitudo laissent apparaître la richesse des matériaux employés par cette musicienne fidèle au violon depuis son enfance. Les différents climats dévoilent une aisance instrumentale ainsi qu’une capacité à construire une trame musicale inventive. Le violon contemporain italien avait vu Renato Geremia proposer ses abstractions lyriques dans l’Italian Instabile Orchestra, et Mauro Pagani mêler le jazz électrique à la tradition instrumentale. D’ailleurs deux des compositions du premier album de ce violoniste renommé - Violer D’Amores en solo et L’Albero Di Canto II en duo avec le génial Demetrio Stratos - ont un lien tutélaire avec l’univers d’Anaïs Drago, mais les comparaisons s’arrêtent là. Drago est bel et bien une créatrice qui excelle à faire jaillir des sentiments variés. Sa poésie teintée de nostalgie entrecroise des complexités rythmiques et sa connaissance de l’électronique.

D’entrée, « Gnossienne » fait ressurgir des mondes que le violon s’est appropriés depuis des siècles ; des parfums irlandais y côtoient des arabesques orientales. « Ascesis » se place dans la lignée de Giacinto Scelsi mais en renouvelle le propos. L’envolée tranchante d’« Halucinari # 1 » et la complainte d’« Oblivio », propulsée par les effets électroniques, agrémentent le discours instrumental. L’amour du rock, et en particulier de l’œuvre de Frank Zappa, se discerne dans « Firma Mentis », baigné par des expérimentations historiques de Jean-Luc Ponty.

Cette ode au violon contemporain installe Anaïs Drago au firmament de l’écriture et de la virtuosité. On y ressent toute la dévotion qu’elle accorde aux musiques planétaires mais aussi l’héritage du jazz sublimé dans « Just Talking To Myself » qui clôt Solitudo.