Chronique

Arbenz X Lightsey

Conversation # 6 - Conversation # 7

Kirk Lighstey (p), Florian Arbenz (dm, perc), Domenic Landolf (ts, bcl), Tibor Elekes (cb)

Label / Distribution : Hammer Recordings

Avec cet album qui fera date dans sa carrière, Florian Arbenz nous surprend. Inviter à ses côtés le géant Kirk Lightstey , c’était son rêve, mais pas pour une séance d’enregistrement trop conventionnelle. Ce sont donc deux enregistrements distincts que nous offre le batteur suisse, et qui s’inscrivent dans son projet de réaliser douze albums avec, pour chacun, un panel de musiciens différents.

Depuis l’adolescence, Florian Arbenz nourrit une admiration sans bornes pour son aîné Kirk Lightsey. La première configuration, enregistrée à Bâle le 15 avril 2021, intitulée Conversation # 6 est incontestablement la plus originale : le batteur est en duo avec le pianiste légendaire, âgé de quatre-vingt-quatre ans à l’époque. Rien ne laissait présager un tel modernisme, tant dans la façon dont Kirk Lightstey se prête à cette configuration délicate que dans la remise en question de son jeu pianistique. Les morceaux traditionnels côtoient des pièces originales et la musique avance avec une complète sincérité. « Ah-Leu-Cha » de Charlie Parker est enrichi par un piano percutant qui se superpose aux percussions et nous entraîne dans une jungle sonore. Avec « Lueget Vo Berg Und Tal » chant traditionnel suisse, c’est un tour de force plein de solennité que nos deux musiciens réussissent. « Dancing With Kirk », co-signé par le duo, apporte une dose de délicatesse, le jeu aux balais se mariant avec la rythmique puissante de la main gauche du pianiste.

Le lendemain, 16 avril 2021, retour au studio avec la Conversation # 7 . Le duo s’augmente de deux musiciens complices de Florian Arbenz, Domenic Landolf au saxophone ténor et à la clarinette basse et Tibor Elekes à la contrebasse. Kirk Lightstey y est plus ancré dans ce qui fut sa nourriture historique, un hard-bop où le rythme est mis en avant et nous montre l’étendue du jeu d’un pianiste qui a partagé sa carrière musicale avec Betty Carter, Woody Shaw ou Dexter Gordon. Dans « Seeds And Blossoms », c’est la référence au blues qui surgit superbement. « Pinocchio » de Wayne Shorter est submergé par la frappe foisonnante du batteur. Nous retrouvons une deuxième mouture d’ « Ah-Leu-Cha » avec une clarinette basse envoûtante. Quant à la célèbre chanson d’Eddie Harris « Freedom Jazz Dance », elle est interprétée avec une belle dynamique collective.

Une musique intemporelle et réjouissante qui réunit ces deux générations de musiciens, véritablement amoureux d’une même cause musicale.