Scènes

Bearzatti et Casagrande, chansons retrouvées

Le duo se produisait au festival Poët-Laval Jazz(s) dans la Drôme.


Renouveau, tisser l’écriture personnelle face à l’anesthésie, pourquoi cette sensation ? Le disque est sorti en 2018 et nous écoutons le concert au festival de Poët-Laval en juillet 2021, ces dates franchissent les derniers évènements politiques d’un monde qui se parle et se construit à même une contagion.

Les compositions du saxophoniste Francesco Bearzatti semblent contenir les deux bouts d’un paradoxe humain : arracher le temps qui s’étire à la vivacité, prendre le temps de la beauté, de la langueur sensuelle, des lassitudes troublantes et arracher au drame de la torpeur la révolte résonnante, tournoyer, marquer les temps, s’offrir un air vivifiant. Qui pourrait mieux que la poétique de la musique affronter ces deux extrêmes de la violente immobilité ? Nous nous surprenons à vouloir réentendre les mélodies, à vouloir vibrer avec cette musique, nous voulons réentendre Federico Casagrande à la guitare et Francesco Bearzatti au saxophone et à la clarinette.
Une seule musique, un double exercice, un duo car le nombre a son importance dans l’architecture de la musique, elle s’avance tel un dôme au coeur des vagues.

Un jour, je jouerai avec toi

« Après avoir écouté Federico, j’ai rêvé de jouer avec lui, son très beau son vient de l’intérieur de son âme, sa manière de jouer montre un monde intérieur ». « J’ai vu jouer Francesco pour la première fois en 1998 ou 99. C’était à Trévise : après avoir cherché dans le journal les concerts à entendre ce soir-là, j’ai trouvé un trio expérimental rock, Kaiser Lupowitz (nom d’un personnage d’une pièce de Woody Allen, Murder Mystery Blues). » Federico Casagrande est tout de suite enthousiasmé par la véracité de son jeu. « J’étais très timide, mais deux ans plus tard, j’avais un peu picolé et je lui ai dit : « Un jour, je jouerai avec toi ». Lors d’une rencontre dans un avion pour Paris, le guitariste propose à Francesco Bearzatti de partager un moment musical, au petit théâtre du Bonheur à Montmartre. « La salle était pleine ! La jauge est de trente personnes ». Les deux musiciens rient, ils ont en commun l’humour du bonheur de jouer. Leurs rencontres nous permettent d’entendre The Lost Songs : des morceaux écrits hors des projets précédents de Francesco Bearzetti que Federico Casagrande traduira librement pour son instrument. « L’espace du duo » ouvre la forme, « on a trouvé notre balance, ça a mis du temps ». C’est maintenant au tour de Federico Casagrande de prendre la plume pour un autre duo avec le saxophone.

Federico Casagrande Francesco Bearzatti photo C Charpenel

Pour la dernière soirée de la septième édition de Jazz à Poët-Laval le concert des deux artistes sollicite l’aventure auditive. En mélodie, la mélomane chemine, les rythmes augurent d’un balancement qui tel l’histoire racontée au pied du lit, apaise avant de nourrir les rêves. Narrative, minutieuse la guitare nous emporte, tandis que le saxophone nous soulève, nous enjoint de vivre en soufflant sur nos corps, marque les temps qui nous parlent. Mais sur les quais de Paris une romance d’antan emporte nos pas insouciants vers la gravité. Nous glissons vers des histoires que nous ne voudrions pas connaître. Sur le fond d’une image, le saxophoniste interroge, supplie, ne se déroute pas, appuie, et nous débarque… vite dansons !