Machado quartet, un phare sur Marseille
Au festival Les Émouvantes à Marseille, Jean-Marie Machado quartet était en concert le 23 septembre 2021.
Et si la beauté tournait en notre âme ? Qui rencontrerait-on ? Les mélodies d’un piano-peau ? Les rêves d’un saxophone ? L’humus dansant d’un violoncelle ? Le titre de l’album est en finnois MAJAKKA, le phare. Il y a des mots phares ou des mélodies qui nous éclairent en nous protégeant des écueils, qui nous montrent la terre autant qu’ils nous conduisent à l’horizon.
Musique et jazz, il faut les aimer ces mots usés, galvaudés, méprisés, il faut en apprécier le juste voyage quand ce qui apparaît devant nous nous invite à être-rêve. Grave, sensuelle et dansante, ce n’est plus celles d’hier, ce ne sera pas celles de demain, mais ce sont celles qui s’inventent dans les traces du passé. Claude Tchamitchian a choisi de programmer au festival les Émouvantes des musiques d’aujourd’hui dont le quartet de Jean-Marie Machado (piano, compositions) avec Keyvan Chemirani (zarb, percussions), Jean-Charles Richard (saxophones), et Vincent Segal (violoncelle).
Nous sommes à Marseille, pas loin son port, pas loin la mer. Toujours là s’opposent le passé et l’instant. Levons la tête, les bâtiments anciens nous séduisent, baissons la tête, des jambes grassouillettes s’endorment ou apprennent à marcher sur les trottoirs, droit devant nous les vieux traversent au rouge et les tramways s’arrêtent pour leur laisser le passage. On expose les miroirs de l’enfance en ballons d’acier [1] et le parcours d’une absence, du visage aux traits de la fenêtre [2].
- Jean-Marie Machado Quartet photo C Charpenel
Le festival les Émouvantes monte la colline, des Bernardines en travaux il s’installe au conservatoire Pierre Barbizet. Nous montons le magistral escalier de pierre, la grande porte s’ouvre sur une bibliothèque en bois, de ces immenses rayonnages vides nous rêvons le savoir trouvé au détour d’une page… Trop vieux, mal entretenu, l’usage s’est oublié d’une génération à l’autre. Alors face au son qui tourne et se détourne, Gérard de Haro [3] escamote le tourbillon. L’écoute du quartet au plus près des instruments nous offre alors un souvenir neuf qui nous porte vers nous-même et le monde.
Tournons la page et, curieux, entendons un jazz à la croisée des formes musicales. Jean-Marie Machado a choisi trois de ces musiciens phares pour son quartet car « chacun à leur manière, ils ont su créer une hybridation heureuse de la musique de jazz. Vincent Segal a été l’un des premiers à mélanger son groove aux musiques actuelles. Keyvan Chemirani est un passeur de la musique iranienne, il n’est pas enfermé dans la tradition, il sait l’utiliser pour l’emmener ailleurs. Jean-Charles Richard est un phare pour la sonorité et l’interprétation, il sait incorporer son savoir du jazz dans d’autres musiques, il emprunte au jazz, il ne s’enferme pas, il passe à travers d’autres langages. » « Je suis né à Tanger dans un monde cosmopolite, polyglotte et j’ai toujours eu une curiosité pour les significations politiques et philosophiques que contiennent les langues. Plus que le style, j’aime le sentiment humain qui se dégage d’une musique. »
Le ton est donné, avec Majakka on entend à son gré des influences mais surtout on y sent une singularité de l’espace. Les quatre manières d’aborder la musique composent une étendue sensible. Pour leur premier morceau violoncelle et saxophone s’emparent d’un groove, le saxophone soutenu par le zarb s’échappe, et le piano avance, la mélodie semble jouer avec des sons de peau, qui se fait percussion ?
- Jean-Marie Machado photo C Charpenel
Souvent le jeu du pianiste dessine l’architecture où s’arc-boutent les instruments, elle permet au romantisme de Vincent Segal de s’épanouir, à l’ampleur lyrique de Jean-Charles Richard de ne plus être retenue, mais qu’en serait-il sans les mouvements sonores de Keyvan Chemirani ?
Um vento leve, Jean-Marie Machado au piano parcourt la gravité d’un souffle qui passe sur le monde.