Chronique

Brave New World Trio

Seriana Promethea

David Murray (bcl, ts) Brad Jones (b), Hamid Drake (dms)

Label / Distribution : Intakt Records

Avec Seriana Promethea, David Murray nous emmène exactement à ce point d’équilibre qu’il cherche à nous montrer depuis de nombreuses années. Accompagné de musiciens chevronnés, voire incontournable dans ce tout neuf Brave New World Trio, il entame « Seriana Promethea » avec la foi du charbonnier : le son de sa clarinette basse est plus clair que jamais, et elle s’entend à merveille avec le travail de l’ombre de Brad Jones. Ronde, puissante, dédiée totalement au rythme, la contrebasse est la structure solide qui permet à Murray d’explorer ses penchants ayleriens avec un vieux camarade, le batteur Hamid Drake, plus volubile que jamais. Le morceau, court et plein de groove, est là pour nous rappeler les talents de mélodiste de Murray, autant que sa capacité à bousculer les genres et à construire des ponts. La suite, avec la base rythmique contondante de « Necktar », est à l’avenant : une puissance affichée qui s’offre toutes sortes de lignes de fuite.

Si Jones, qu’on avait tant aimé aux côtés de James Brandon Lewis, semble porter le jeu de ses compagnons avec un flegme étonnant, il n’en va pas de même pour Drake, absolument intenable, qui s’offre de larges plages solistes de « Necktar » (où certes Brad Jones n’est pas en reste) à « Switchin’ in The Kitchen », sans doute la plage la plus joyeuse de cet album qui revendique avant tout le plaisir. David Murray surtout s’amuse, reprend de volée toutes les envolées de ses musiciens et joue avec une simplicité désarmante, recherchant même souvent une certaine ligne claire, sans scorie (« If You Want Me to Stay »), sans cependant tomber dans une joliesse sans relief.

Depuis son Cherry Sakura avec Aki Takase, et si on fait exception d’un disque avec Kahil El’Zabar, c’est le label Intakt Records qui semble se charger de la musique de David Murray, dont la profusion des anciennes décennies nous avait fait oublier la rareté à laquelle il s’astreint depuis quelques années. Après une collaboration avec Dave Gisler et la regrettée jaimie branch, c’est un plaisir de retrouver Murray jouant sa musique sans filet, allant d’envies latines (« Anita et Annita ») à quelques ballades nocturnes lestées de blues où Brad Jones brille à l’archet (« Metouka Sheli »). Seriana Promethea est un plaisir simple et percutant.

par Franpi Barriaux // Publié le 27 novembre 2022
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