Chronique

Borderlands Trio

Wandersphere

Stephan Crump (b), Kris Davis (p), Eric McPherson (dms)

Label / Distribution : Intakt Records

En 2017, Asteroidea avait posé les fondations de ce trio à l’initiative du contrebassiste Stephan Crump et pourtant sans leader. Sans leader puisque les trois musiciens s’engagent dans la musique sans s’appuyer sur des compositions préétablies, dérivant plutôt le long de créations spontanées.

À partir d’un matériau minimal, ils prennent le temps de construire un processus musical qu’ils développent au fil d’un travail habité sur la durée et le son. Le son puisqu’ils soignent avec méticulosité la répartition des voix et laissent chacune d’entre elles respirer et prendre la place qu’elle souhaite. La pianiste Kris Davis est à la fois coloriste et maîtresse du récit. Elle construit et déconstruit une histoire qui se métamorphose au fil du temps et progresse selon les initiatives de ses partenaires. Le bassiste, en effet, l’accompagne dans ses déambulations. Basses solides, bien ancrées dans le fond ou coups d’archet éloquents, il pose une assise qu’anime inlassablement la batterie d’Eric McPherson. La rythmique, en effet, rejointe par un piano qui peut devenir plus percussif, en tout cas rythmicien, relance les longues plages qui s’étirent sans fin et surtout sans s’épuiser.

C’est la force, et en quelque sorte, la magie du trio : le rapport au temps est singulier et aucune jonction entre les parties n’est apparente. Mieux, les trois ne donnent pas l’impression d’emboîter les idées créées dans l’instant, mais plutôt de développer jusqu’à l’épuisement un seul propos qui s’étend avec sérénité sur le temps long. Sur deux disques, en effet, dont chacun compte deux pistes dépassant les 19 minutes jusqu’à atteindre les 40, le trio construit une esthétique d’une belle fluidité. Sans doute que la seconde partie, toujours associée à des couleurs qui manquent parfois de contraste, finit par lasser mais l’enjeu du trio, sa capacité à construire une composition sans recourir aux clichés de la musique improvisée “traditionnelle”, vaut bien plus que son résultat, globalement parfaitement réussi.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 19 décembre 2021
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