Chronique

Christoph Erb & Fred Lonberg-Holm

Screw and Straw

Christoph Erb (bcl, ts), Fred Lonberg-Holm (cello, g)

Label / Distribution : Veto Records

Après un solo remarqué sur son label Veto Records, on retrouve le multianchiste Christoph Erb dans sa collection Exchange, née d’une rencontre du Suisse avec des improvisateurs de la scène de Chicago. Parmi ceux-ci, c’est avec le violoncelliste Fred Londberg-Holm qu’Erb a le plus d’affinités. Élève de Braxton ou de Morton Feldman, remarqué sur le formidable Warblepeck avec le Tony Malaby Cello Trio, Londberg-Holm joue en effet avec la même impétuosité. Dans un univers musical très sombre, tous deux favorisent également une masse sonore égratignée de lumière crue.

Si leur premier enregistrement en quartet, SACK, se situe dans le registre d’un free plus classique et moins lesté d’effets électroniques en se plaçant sous une référence commune à Joe McPhee (avec qui le violoncelliste a joué dans le Survival Unit III), c’est sur le tonitruant duo Screw and Straw que l’on retrouve toute la compacité de leur musique. On cherchera ici quelques rhizomes semés dans le jardin de Peter Brötzmann, avec qui Lonberg-Holm a également joué - dans le Chicago Tentet (« The Hostages »). L’évidente cohésion entre les deux musiciens naît dès « Savage Sunday », le long morceau qui ouvre l’album, mer de cordes tourmentées où ballotte une clarinette basse vibrante et explosive. Le Suisse reprend ensuite le contrôle de la discussion par des phrases vives où il fait éclater l’impeccable approche charnelle et rythmicienne de son jeu de clés. On retrouvera cet échange, en plus heurté, dans « Screw and Straw on Playboy Island » où les slaps de la clarinette basse semblent se heurter avec virulence au tramage en perpétuel changement inventé par Lonberg-Holm.

Plus tard « l’anti-violoncelliste », comme il aime se faire appeler, lui répondra dans le fracas contenu d’une guitare électrique, instrument rarissime chez lui (« Screw and Straw are Guilty », qui clôt l’album dans le tonnerre). Si le dialogue hésite parfois entre tension et causticité (« Death Ride »), le son chaleureux d’Erb à la clarinette basse est le compagnon idéal d’un violoncelle souvent poussé aux limites du registre étendu (« Straw’s Lady »). Au fil des morceaux, même sensation abyssale et oppressante que chez Lila, le quartet suisse d’Erb. Parfois déroutante dans sa radicalité, la rencontre entre ces deux musiciens n’en est pas moins très riche et appelle certainement des collaborations futures à suivre avec le plus grand intérêt.