Chronique

Bererberg Trio

Feel Beetrr

Christoph Erb (ts, bcl), Fred Lonberg-Holm (cello, g), Josh Berman (tp)

Label / Distribution : Veto Records

Chaque nouvel épisode de la Collection Exchange est comme une petite carte postale qui nous donnerait des nouvelles de Christoph Erb. Le multianchiste suisse, par ailleurs responsable du label Veto Records, poursuit avec le Bererberg Trio sa pérégrination au cœur de la jeune scène de Chicago. A l’écoute de Feel Beetrr, les nouvelles semblent plutôt bonnes même si, au premier abord, l’univers peut paraître hostile ; ce n’est pas tant ces lettres quelque peu dérangées qui nous le disent, mais le titre de chaque morceau, exprimant la joie en de nombreuses langues. Une joie exubérante qui trahit aussi une certaine nervosité.

Après une nouvelle rencontre avec Jim Baker, on retrouve ici un autre de ses anciens comparses. « L’anti-violoncelliste » Fred Lonberg-Holm est sans doute le plus proche d’Erb, musicalement parlant. On l’avait déjà compris dans un remarqué Screw and Straw, tous deux partagent un goût certain pour une certaine forme de tradition sachant amalgamer les virulentes charges bruitistes. Ainsi « Boldogság », mot hongrois, est une nappe nerveuse pleine de heurts et de tourbillons où le ténor et le violoncelle s’imbriquent comme les modulations d’une même voix. Même constat avec le « Furaha », un mot swahili cette fois, qui ouvre l’album dans un frottement nerveux. Ces éclats bruts contribuent à masquer la nature des timbres avec une grande fébrilité. Entre le souffle presque tranchant de la trompette de Josh Berman et la volupté contondante de la clarinette basse, le violoncelle fait parler le tonnerre à l’archet ou égrène des rythmiques éphémères dans un constant jeu d’équilibre.

Avec Berman, qui clôt un triangle aux angles très saillants, les musiciens s’érigent en blocs compacts où le trompettiste ravine avec application un chemin tortueux. Proche de musiciens comme Jeb Bishop ou Frank Rosaly qui ont déjà croisé le chemin d’Erb, ce trompettiste est un pur produit de la scène chicagoane. C’est lui qui offre sa grande stabilité au trio. Lorsque Lonberg-Holm délaisse son violoncelle pour la guitare électrique (« Feliĉe », long morceau presque étouffant), le jeu de Berman se fait plus soyeux, moins anguleux, comme pour mieux révéler l’acidité du trio. De toutes les rencontres d’Erb en territoire américain, ce Bererberg trio est certainement une des plus excitantes et des plus abouties.