Chronique

Clemens Kuratle Ydivide

Lumumba

Dee Byrne (as), Chris Guilfoyle (g), Elliot Galvin (p, electronics), Lukas Traxel (b), Clemens Kuratle (dm, electronics)

Label / Distribution : Intakt Records

La scène helvétique est en pleine expansion. Les batteurs sont nombreux, inspirés par des figures tutélaires comme Pierre Favre ou Gerry Hemingway qui a ses quartiers dans ce pays. Intakt Records a permis au groupe « Ydivide » du batteur Clemens Kuratle de s’exprimer au mieux avec ses partenaires engagés dans le projet Lumumba.

La musique qui en découle est un acte poétique et politique à la fois : un hommage à Patrice Lumumba qui fut le Premier ministre de la République Démocratique du Congo. Cet état accéda à l’indépendance le 30 juin 1960 avec un discours de Patrice Lumumba qui dénonçait les abus de la politique colonialiste belge. Il faudra moins d’un an pour que ce leader charismatique, soutenu par son peuple et par de nombreuses nations du tiers-monde, soit capturé et assassiné lâchement ainsi que nombre de ses partisans. Clemens Kuratle fait de son album un hommage à Patrice Lumumba tout en ayant conscience que les exactions continuent actuellement de dévaster les états les plus pauvres. La musique qui en découle est empreinte de gravité sans toutefois tomber dans un quelconque pathos.

La maîtrise polyrythmique du batteur s’affirme rapidement, permettant à Clemens Kuratle de soutenir les solistes et de relancer les nombreuses improvisations - en particulier celles de la saxophoniste Dee Byrne, débordante d’une générosité qui se fait l’écho de transes ayleriennes. Depuis plus de dix ans cette jeune femme irradie les divers projets auxquels elle participe en Grande-Bretagne. L’apport de Chris Guilfoyle enrichit la pâte sonore : son jeu guitaristique ne cherche pas à ressembler de manière trop prévisible aux maîtres modernes de l’instrument. On assiste à la naissance d’un style personnel, inventif, sous les doigts de ce surdoué de Dublin qui étudia à la Chromatic Harmony Workshop de Dave Liebman en Pennsylvanie. Son apport dans « No Cynicism » parle de lui-même. Le pianiste Elliot Galvin se révèle attentif et inventif : témoin son solo vigoureux dans « Bwegshit ». Les récitals qu’il donne par ailleurs en soliste témoignent de sa maturité artistique. Clemens Kuratle a embarqué son compatriote contrebassiste Lukas Traxel dans cette aventure à cinq, ce qui engendre une belle association rythmique.

La musique proposée par ce quintet, dédiée à une cause noble, procure un vent de liberté et d’engagement humain tout en nous révélant des musiciens à suivre.