Chronique

Cruz / Witkowski / Zoubek

Radium

Ivann Cruz (g), Philip Zoubek (p), Marcin Witkowski (dms, elec)

Label / Distribution : Circum Disc

Les membres du collectif Muzzix nous proposent d’entendre un nouveau trio, enregistré live dans leur fief de la Malterie à Lille, autour d’Ivann Cruz. Remplaçant d’Olivier Benoit dans le Circum Grand Orchestra, le guitariste est membre de TOC, et son électricité agressive est immédiatement reconnaissable. Bon connaisseur de la scène polonaise (on se souvient de son double quartet avec Maciej Garbowski), on le retrouve ici avec l’excellent batteur Marcin Witkowski dont le set est réduit à l’extrême mais qui se pare d’une forte composante électronique. On l’entendra dans le corrosif « Rhodium », au milieu des claquements du piano préparé de Philip Zoubek qui se mêlent aux sons altérés de la guitare. L’Autrichien clôt un triangle très européen ; on l’avait entendu dans le 7e Continent de Pascal Niggenkemper.

Radium visite les gaz et métaux rares et les principes radioactifs. Bref, les confins du tableau périodique. Un domaine qui appartient d’habitude à Guillaume Grenard mais que le trio visite tout à fait différemment : « Lithium » est à cette image, entre crachotements de compteurs Geiger déroutés et sons d’outre galaxie qui font songer à des phénomènes surnaturels. Les claviers semblent suppurer au milieu des obstacles naturels de la guitare. Cette dernière se rebiffe, mais l’électronique l’emporte inexorablement. Il en est de même avec « Xenon » et son atmosphère étrange qui fait songer aux ondes émises par les corps célestes. On n’y retrouve pas la hargne habituelle de Cruz, mais comme une errance dans une galaxie de sons.

Radium est propice aux divagations les plus abstraites. Il s’en dégage parfois quelque chose de méphitique mais toujours diablement attirant. L’orchestre, tel un vaisseau (spatial, nécessairement), craque lorsqu’il est sous la lumière crue et clinique du « Tungsten », dans le grognement de la guitare et l’accélérateur de particules des claviers. Radium est un album complexe dont le charme n’est pas seulement délicieusement bruitiste. Il y a une narration et un mouvement qui nous emmènent très loin, sur une planète à l’oxygène rare et aux éléments hostiles. On y retourne avec entrain.