Scènes

Winterjazz, les hauts de Cologne

Double évènement au Stadtgarten de Cologne, la NICA Live special et le Winterjazz.


Présenté comme le petit frère du WinterJazz New York et programmé par les musiciennes Angelika Niescier et Ulla Oster, Winterjazz Cologne se déroule en une seule soirée, au Stadtgarten, la scène labellisée jazz de la ville. Une soirée, mais 10 concerts et surtout – chose inédite en France – une queue à l’extérieur de la salle avec 45 minutes d’attente pour espérer rentrer. La soirée est réputée, la jeunesse s’y presse. Citizen Jazz y est invité par Stadtgarten.

Les trois espaces (la salle, le club et la scène du restaurant) sont bondés. Il est difficile de circuler et – à moins de faire 1 m 90 – difficile de voir les musicien.ne.s sur scène. [1]
Ainsi, dès 18h30, l’endroit s’est transformé en ruche bruyante et animée et le jazz - tous les jazz - a vibré de toute sa force.

Ouverture du Winterjazz © Niclas Weber

Les groupes présentés sont issus de la scène de Cologne et de l’état de Rhénanie du Nord-Westphalie, les principaux financeurs du dispositif.
Le quartet du saxophoniste Yaroslav Likhachev fondé en 2016 porte le poids de cette expérience. La saxophoniste Katrin Scherer au baryton ou l’alto, présente son Cluster Quartet au club Jaki, au sous-sol, plein comme un œuf. Un set énergique et un peu fou-fou. Dans la salle, ce sont quatre musicien.ne.s aligné.e.s sur scène avec chacun.e un set de pédales d’effets qui vont, sous l’impulsion du claviériste Christian Lorenzens, bidouiller et élargir un univers sonore électrisé. Hilde, un quartet de musiciennes, va plonger le club Jaki dans une ambiance éthérée et flottante, poétique et chantante. Plus le temps passe, plus les salles se remplissent, jusqu’à atteindre les limites de jauges et dépasser les 1400 visiteur.se.s dans la soirée. Au café restaurant, la petite scène accueille des propositions plus pop, comme la chanteuse Salomea accompagnée par l’excellent batteur Leif Berger ou le groupe Molass (c’est un nom allemand, pas un adjectif !) et sa narration groove. La soirée se termine tard, les équipes sont ravies mais épuisées.

Il faut dire que pour Stadtgarten et son équipe, c’est déjà le deuxième jour d’un évènement musical. En effet, la veille, une autre série de concerts s’est également tenue dans les deux salles du lieu, mais pour un public de professionnel.le.s européen.ne.s invité.e.s pour découvrir le travail de la sélection NICA.

NICA artist development, on en parle déjà ici depuis un certain temps, c’est le dispositif piloté par Stadtgarten et financé par l’état qui permet l’accompagnement d’artistes choisis. Chacun des groupes vient présenter quelques extraits de son projet, une demi-heure et on passe au suivant. C’est rapide et il ne s’agit pas de se planter !

Luise Volkmann Été Large © Niclas Weber

C’est le saxophoniste Fabian Dudek qui ouvre le bal avec un septet franco-allemand (la flûtiste Pauline Turrillo en fait partie). Le leader au sax alto est aérien, pratique le souffle continu, propose de belles idées assez classiques dans le fond. Felix Hauptman au clavier est toujours aussi juste dans ses interventions. Kira Hummen est guitariste et chanteuse et présente un groupe très féminin de pop peu convaincante. Le pianiste Philip Zoubek présente quant à lui un quartet libre et sauvage, mais à la moyenne d’âge plus élevée que celle des autres groupes. Avec ces maîtres de l’impro que sont le saxophoniste Frank Gratowski, le superbe Robert Lanfermann à la contrebasse et le batteur très sollicité Dominik Mahnig, on assiste à une belle envolée à l’acmé presque bruitiste. L’énergie est palpable depuis la salle. L’artiste chanteuse performeuse Laura Totenhagen revient pour un solo (elle avait déjà fait partie de la session masquée de 2022) sans réussir à plus convaincre.

Elle avait fait la UNE de Citizen Jazz quelques semaines auparavant : la saxophoniste et compositrice Luise Volkmann vient présenter son grand ensemble Été Large. Douze musicien.ne.s à parité parfaite, une fantastique énergie, de l’humour et une réunion de personnalités vraiment marquantes, voilà la recette magique de cet ensemble. La musique parle des révolutions des années 1968 et leur support musical. Le mélange de l’improvisation, de l’écriture, de la voix et des couleurs est un plaisir à entendre. La chanteuse Casey Moir, la contrebassiste Athina Kontou, le guitariste Paul Jarret et le saxophoniste Rémi Fox sont particulièrement mis en avant.

Janning Trumann X Nosacrum © Niclas Weber

Au fond du club Jaki, c’est le trio du tromboniste Janning Trumann (également initiateur du Cologne Jazz Festival) qui dépote avec Florian Zwissler à l’électronique et surtout le fantastique Oliver Steidle à la batterie. C’est très rapide, très acidulé. Un contraste saisissant avec le dernier concert, le duo Pablo Giw (trompette et effets) et Mariel Roberts (violoncelle et effets). Une belle improvisation électro-acoustique qui met bien en avant le trompettiste (un peu trop) dans un climat très léger. Ils présentent Kryo, l’album qu’ils viennent d’enregistrer.

Pablo Giw & Mariel Roberts © Niclas Weber

Comme les années précédentes, Stadtgarten est aussi un prétexte pour les professionnel.le.s pour se rencontrer et mettre en place les projets européens à venir. C’est le cas de l’AJC qui, avec Jazz Migration, coordonne un projet similaire à NICA artist development et qui assure une présence régulière ici.
Ainsi, cette édition de NICA a permis de confirmer le talent de certain.e.s artistes déjà croisé.e.s lors d’éditions précédentes, comme Haidi Bayer, Janning Trumann, Luise Volkmann, Philip Zoubek (artistes NICA) mais aussi Felix Hauptman, Leif Berger, Dominik Mahnig, pour ne citer qu’eux.